© Société des Agrégés

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A la vue de la session 2015, l’agrégation reste t-elle attractive ?

Bien sûr ! On voit que, par rapport au CAPES, l’agrégation reste très prisée. Seules les mathématiques et la musique ont un peu de mal à recruter, mais globalement nous constatons que le concours de l’agrégation reste attractif.

L’agrégation est dotée d’un certain prestige en France, en est-il de même à l’international ?

J’en suis certaine ! Nous avons parmi nos adhérents des professeurs recrutés à l’étranger, et cette agrégation a été un élément apprécié de leur CV et a favorisé leur recrutement, que ce soit dans des universités anglo-saxonnes ou dans différentes écoles ou lycées européens. Je suis sollicitée régulièrement, soit par des agrégés qui veulent des justificatifs de leur agrégation pour présenter leur candidature, soit par des écoles qui souhaitent recruter des agrégés. Cela montre qu’à l’étranger, on sait très bien ce qu’est l’agrégation.

D’ailleurs, dans certains pays, les PhD ont une parenté avec notre couple agrégation/doctorat. C’est à dire qu’ils mêlent très souvent dans leurs études supérieures l’approche généraliste de la discipline qui est celle de l’agrégation, avec une approche plus spécialisée, qui est celle du doctorat.

Najat Vallaud Belkacem a déclaré qu’elle faisait de la maîtrise du langage une priorité. Que pensez-vous du retour à la dictée quotidienne ?

En réalité il y a toujours eu des dictées dans les classes. Ce « retour » est un coup de communication, ce qu’aime beaucoup le Ministère. Reste que nous avons beaucoup de mal à entrer dans un débat sur les éléments essentiels qui devraient servir la réflexion sur l’école. Ce prétendu retour à la dictée n’aura servi qu’à faire les gros titres.

La réforme du collège prévoit l’instauration d’Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) dans lesquels figureront entres autres les « langues et cultures de l’antiquité ». Jugez-vous ces mesures suffisantes pour étudier convenablement les langues anciennes ?

Il faut d’abord faire un point général, car ces enseignements vont toucher toutes les disciplines. Ce que l’on peut constater, c’est que ces EPI sont mis en place pour tailler dans les disciplines sans que le Ministère ait le courage de trancher sur ce qu’il faudrait conserver dans l’enseignement aujourd’hui, alors que l’on est en période de pénurie. Cela veut dire qu’ils sont un moyen de dissimuler le manque de moyens et les difficultés de recrutement des professeurs.

Quand on regarde de plus près ces EPI, on se rend compte qu’ils sont prétentieux, avec des intitulés qui conviendraient mieux à des séminaires universitaires, pour un enseignement qui ne durera pas plus d’un trimestre. Cela semble voué à l’échec. La rédaction des programmes plonge le lecteur dans une confusion terrible, avec des expressions comme « Echanges constitutifs des entraînements à la compréhension et de l’enseignement explicite des stratégies ». Je ne vois pas qui ces programmes vont aider lorsque l’on voit comme ils sont rédigés.

Ce que l’on peut voir également, c’est un écart énorme entre le niveau des élèves et les propositions qui sont faites. Par exemple, en ce qui concerne les langues anciennes, l’un des EPI propose d’étudier l’usage du latin au Moyen âge. Comment concevoir que l’on puisse donner cet enseignement à des enfants de 5ème qui n’auront tout simplement pas encore appris le latin ? Les langues anciennes sont concernées, mais de la même façon que les autres disciplines. Nous partageons le combat de tous les enseignants et nous aurions tort d’opposer les disciplines les unes aux autres. Toutes souffriront d’une diminution des horaires et des enseignements qui leur sont propres, pour ensuite être remplacées par ces EPI qui, avec leur prétention démesurée, n’atteindront pas l’objectif que la réforme prétend fixer, qui est l’égalité et l’excellence pour tous.

Avec la disparition des classes bilangues, redoutez-vous la disparition des langues vivantes autres que l’anglais ?

Oui, il semble qu’elles soient menacées, mais dans le dispositif qui est prévu, toutes les langues le sont, l’anglais également ! Car la disparition des autres langues ne va pas forcément renforcer l’anglais en lui-même. Nous avons soutenu les pétitions de nos collègues, notamment en allemand et en italien, mais cela reste une inquiétude.  Toutes les disciplines sont menacées, c’est pourquoi la Société des agrégés est soucieuse de les défendre toutes. Cette réforme est une menace pour l’enseignement dans sa totalité.

En cette rentrée universitaire se pose la question de la sélection des étudiants. Pensez-vous qu’il est possible de présélectionner certains étudiants pour mieux les orienter ?

Cette présélection relève du baccalauréat, mais malheureusement il ne joue pas ce rôle. Le plus simple serait de considérer que le baccalauréat donne un indice sur les capacités des étudiants à suivre les études qu’ils ont envie de suivre. Le problème est que la sélection se fait souvent avant l’obtention du baccalauréat, et c’est dommage car il devrait jouer ce rôle-là. Et de façon très simple, sans ajouter d’autres examens ou de frais supplémentaires. Ce qui a inquiété la Société des agrégés en cette rentrée, c’est la pratique qui a consisté, dans certains établissements, faute de places disponibles, à tirer au sort les dossiers des étudiants. Nous dénonçons cette pratique.

Avec son statut particulier, le professeur agrégé ne devrait-il pas enseigner exclusivement dans le supérieur ?

Le statut particulier est pour l’instant très peu respecté, puisque 25% des professeurs agrégés enseignent au collège ! Ce qui serait bien, ce serait déjà de respecter le statut actuel et d’affecter les agrégés en lycée, en classe préparatoire, en BTS et dans les premières années d’université. Je pense que c’est une richesse d’avoir des professeurs agrégés qui, pour la plupart d’entre eux, ont souvent eu une approche par des doctorats de l’enseignement universitaire et qui peuvent de cette façon dans les lycées faire le lien avec le supérieur. À partir du moment où l’on envisage qu’il y ait des liens entre second degré et supérieur, le professeur agrégé a tout à fait sa place dans les classes de 1ère, terminale, et jusqu’après les premières années d’université et dans la préparation de concours. La Société des Agrégés souhaite une affectation des agrégés qui aille de la 1ère à l’université.