Lors du « lancement des 30 ans du baccalauréat professionnel » , la ministre de l’Éducation nationale a annoncé « 5 chantiers » qui concernent autant l’offre de formation, que la 2de professionnelle ou encore la formation des PLP. « Deux ans après la loi de Refondation de l’école, le ministère tient enfin un discours sur l’enseignement professionnel public qui était jusqu’alors oublié de ses politiques éducatives, commente Jérôme Dammerey, cosecrétaire général du Syndicat national unitaire de l’enseignement professionnel-FSU. Ces ouvertures de chantiers sont positives, car elles ciblent en partie nos préoccupations, mais nous attendons surtout des actes… car il y a urgence ! »
Nouveau bac, nouveaux défis
La filière n’est, en effet, pas au mieux. Si, lors de sa création, le bac Pro visait à l’insertion directe des jeunes dans le monde du travail, la réalité est bien différente aujourd’hui. D’abord parce que près d’un jeune bachelier sur deux va poursuivre – ou tenter de poursuivre – ses études. Ensuite, parce que depuis la réforme de 2009, ce bac se prépare en 3 ans, contre 4 initialement.
« Il serait d’ailleurs temps de connaître le bilan de cette réforme désastreuse… qui a d’abord servi à réduire les effectifs de professeurs, commente Jérôme Dammerey. Diminuer le cursus d’une année a fragilisé les élèves qui sont moins formés pour l’entreprise mais aussi mal armés pour les études supérieures. »
Ce qui se traduit dans les chiffres. Et, pour citer la ministre, « on ne peut pas se satisfaire du taux de réussite de 3 % des bacheliers professionnels à l’université », le taux de réussite en BTS étant de l’ordre de 50 %.
Un constat qui n’étonne pas Laura Le Grives, PLP en Lettres et Histoire au lycée Camille Claudel de Mantes-la-Ville. « Dans nos cursus Pro, les élèves sont encore ‘maternés’ et beaucoup manquent d’autonomie pour s’adapter à l’université. Quant à ceux qui franchissent les sélections des BTS, ils sont souvent handicapés par leur niveau dans les matières générales ». L’enseignante regrette aussi que les collèges rechignent à envoyer en filières Pro ceux de leurs bons élèves qui ont un projet professionnel clair et affirmé. « On les pousse à suivre une filière générale alors qu’ils auraient toute leur place chez nous. Par ailleurs, la politique visant à amener un maximum de jeunes au bac, se traduit par l’insertion très compliquée de titulaires du CAP dans nos 1ères. Tout cela ne tire pas le niveau vers le haut ».
Une orientation pas toujours très pro !
Coincé entre l’apprentissage, la filière technique et le cursus général, le bac pro a-t-il perdu de sa pertinence ? « Non, assure la professeure, il reste un sas efficace vers le monde de l’entreprise… lorsque l’orientation est pertinente. »
Et c’est là l’autre grande urgence de la filière. Par manque de places disponibles, le Snuep-Fsu évalue à un 1/3 la proportion des élèves qui n’ont obtenu que leurs 2d ou 3e vœux.
« Ces dernières années, poursuit Laura Le Grives, parmi mes élèves de gestion-administration, certains auraient voulu faire une Seconde générale, d’autres du commerce, de l’accompagnement, soins et services à la personne et même un CAP Coiffure. Beaucoup se retrouvent ici uniquement, car leur professeur principal leur a dicté quoi écrire… Globalement, la filière professionnelle manque de visibilité pour les parents, les élèves, mais aussi pour les profs de 3e qui nous connaissent mal. »
Conséquence : une partie des élèves orientés « faute de mieux » décrochent. Un élève sur dix en seconde et un élève de première sur dix quitte le cursus sans qualification, déplore le Snuep-Fsu.
D’ailleurs, selon le syndicat, à l’issue du bac pro, 50 % des jeunes n’iront pas travailler dans le domaine pour lequel ils ont été formés.
« Le chantier qui portent sur l’établissement d’une véritable stratégie nationale en matière d’offre de formations, nous apparaît essentiel complète Jérôme Dammerey. L’offre de formation ne peut pas s’appuyer sur les travaux conduits entre les académies et leurs partenaires régionaux sans tenir compte des réalités nationales. »
Solidarité marquée
Autant d’éléments qui rendent difficile le travail des enseignants.
« Notre challenge quotidien est de gérer l’hétérogénéité des niveaux de nos élèves et leur démotivation particulièrement marquée dans les matières générales, souligne Laura Le Grive. Beaucoup sèchent [NDLR l’absentéisme est deux fois plus élevé qu’en lycée général] ou ne font que perturber les cours. »
Pour le Snuep-Fsu, c’est toute la filière qu’il faut revoir : « parcours, contenus, modalités d’évaluation, organisation et dispositifs pédagogiques, formation des enseignants (très incomplète notamment pour les professionnels en reconversion, selon les syndicats), meilleure intégration des établissements dans les dispositifs de l’éducation prioritaire, etc. »
« Ce qui passe aussi par une revalorisation salariale et de nouveaux moyens, ajoute Jérôme Dammerey. Nous avons chiffré à 10.000 postes de PLP supprimés en 10 ans alors que le nombre d’élèves croît cette année encore de 5000. Cela dégrade les conditions de travail des enseignants et les conditions de réussite des élèves ». Pour le syndicaliste, ce manque d’effectif inclut tous ceux qui, hors de la classe, permettent de répondre au contexte social particulier dans lequel travaillent les professeurs. Un point que confirme l’enseignante de Mantes-la-Ville. « On se sent parfois plus assistants sociaux qu’enseignants. Avoir à nos côtés suffisamment d’assistants d’éducation, de CPE, de médecin… nous aide considérablement ».
Si le cadre est difficile, enseigner en lycée professionnel est une expérience passionnante. « J’ai eu les deux concours et j’aurais pu enseigner en lycée général où j’ai fait des stages, conclut Laura Le Grives. Mais les échanges avec les élèves sont beaucoup plus forts en Pro. Nous sommes parfois leurs seuls référents adultes ‘cohérents’. Les relations entre les professeurs sont également meilleures, soutien et entraide sont constants. La filière Pro mérite de ne pas être oubliée. »
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