Pascal Plisson

Pascal Plisson avec les enfants à Cuba, lors du tournage du Grand Jour.
crédit photo : VP-Ladybirds

Synopsis : Aux quatre coins du monde, Deegi 11 ans en Mongolie, Tom 19 ans en Ouganda, Nidhi 15 ans en Inde, Albert 11 ans à Cuba, se lancent un défi : aller au bout de leur rêve, de leur passion et réussir l’épreuve qui va bouleverser leur vie. Ensemble ils vont vivre une journée unique, celle de toutes les espérances.

Il y a deux ans sortait le très beau Sur le chemin de l’école, qui suivait quatre enfants bravant des kilomètres de désert et de danger pour aller à l’école, récompensé par le César 2014 du meilleur film documentaire. « Le Grand Jour » suit aussi quatre jeunes issus de familles et de pays très pauvres, aux parcours hors du commun. Votre nouveau film s’inscrit-il dans la continuité du précédent ?

Oui, c’est un peu le prolongement. Beaucoup de gens m’ont demandé de faire une suite à « Sur le chemin de l’école ». Mais il y avait un tel affect sur les enfants du film, que prolonger cette histoire avec eux me semblait très compliqué. Je me suis alors souvenu d’une rencontre que j’avais faite il y a une dizaine d’années dans un train à Saint-Pétersbourg : dans un wagon, un jeune garçon en vêtements troués, un violon sur les genoux, lisait une partition. Je me suis renseigné et j’ai appris que cet enfant était parti de son village de Sibérie, et allait faire une audition à Saint-Pétersbourg. Tout son village s’était cotisé pour lui payer son billet de train : il y allait seul, car le village très pauvre n’avait pu réunir assez d’argent pour payer des billets à ses parents. J’ai par la suite appris que ce garçon avait réussi son audition et que cela avait changé sa vie. J’ai ainsi décidé de prolonger « Sur le Chemin de l’école » par un film sur des gamins qui se donnent les moyens d’aller au bout de leur passion pour avoir une vie meilleure, pour changer la vie de leur famille. C’est ainsi qu’est née l’idée de faire « Le Grand Jour ». Je pense aussi que les gens qui ont aimé mon film précédent pourront se retrouver dans celui-ci.

Comment avez-vous rencontré et choisi Deegi, Tom, Nidhi et Albert ?

Je finissais le montage de « Sur le Chemin de l’école » et j’ai rencontré la productrice Marie Tozzi. J’avais déjà en tête de faire une histoire pluridisciplinaire, sur le monde du cirque, du sport, de l’intellect et de la nature. Cuba pour la boxe et la Mongolie pour le cirque, en particulier le contorsionnisme, sont des pays très forts dans ces domaines. En Inde, j’avais entendu parler d’une classe prépa solidaire accueillant chaque année 30 jeunes, sélectionnés sur 10 000. Enfin, l’Ouganda mise beaucoup sur l’éducation, avec une jeunesse très volontaire, et c’est un pays qui veille à préserver son patrimoine naturel. Ce pays s’est donc imposé également pour mon film. J’ai fait passer des castings grâce à des producteurs locaux, j’ai rencontré les familles, et ces quatre jeunes se sont imposés. Leurs familles comptent tout autant : en effet, il s’agit d’un documentaire, donc quand on filme le jeune, on filme en même temps tout son environnement, tout son quotidien. Je passe du temps avec les familles, je mange avec eux, je vis vraiment avec eux, je fais quasiment partie de la famille à la fin.

Pour travailler en classe :

Un cahier pédagogique destiné aux cycles 3 et 4 et réalisé par l’association Aide et Action est disponible.

On vit vraiment avec Deegi, Tom, Nidhi et Albert  au quotidien dans votre film. On les voit en famille, lors de leurs repas, lors de leurs entraînements, et lors du grand jour, lorsqu’ils passent leurs examens. Mais les passent-ils vraiment ou est-ce une reconstitution ?

Non, tout est authentique. Au niveau logistique d’ailleurs, il a été compliqué de se caler sur leurs dates d’examen. Nous avons démarré le tournage en mai 2014 avec Albert à Cuba, fin juin il y avait l’examen en Inde avec Nidhi, puis l’audition en octobre de Deegi et enfin en décembre l’examen de Tom en Ouganda. Nous avons filmé et monté les histoires séparément, avec 40 minutes pour chaque histoire, puis ensuite entrecroisé les histoires. C’est un énorme travail, nous avons eu 22 semaines de montage…

Nous avons rencontré les organisateurs et les professeurs pour filmer sans gêner les épreuves et les examens, filmés donc en conditions réelles. Par exemple, tout est authentique dans l’examen de maths que passe Nidhi : elle est au milieu de 400 élèves, il y en a 400 autres derrière dans un hangar, en tout 10 000 élèves passent cet examen, et seuls 30 seront retenus. Et lorsque nous avons rencontré Nidhi, nous ne savions pas si elle allait réussir l’examen. Nous avons vraiment suivi ces quatre jeunes dans leur préparation et leur passage à l’examen. Et puis, ce n’est pas qu’un film : on crée des liens très forts avec ces gamins et leurs familles. Il est évident que l’on continue à les suivre après !

Aucun des quatre héros de votre film n’est acteur professionnel ?

Si l’on arrive à poser la caméra ainsi, de façon aussi naturelle, c’est parce que ces gamins n’ont jamais été filmés. Ils n’ont aucune appréhension de la caméra, ils ne savent pas ce que c’est, ils ne posent pas et il n’y a pas de stress. Si je leur demandais de réciter un texte, ce serait impossible. C’est en quelque sorte une improvisation maîtrisée. On tourne, on tourne, on laisse vivre, et on ne garde que les meilleurs moments, les meilleures phrases : car le film est monté au dialogue, sans commentaires.

Quel message souhaitez-vous faire passer avec votre film, en particulier auprès des élèves ?

C’est un message de réussite. Ces jeunes ont tous une double vie en quelque sorte. Ils sont tous scolarisés, et ils s’entraînent en parallèle. Ils ont une vie extrêmement dense. Ce sont des exemples : ils sont tous très pauvres, le plus pauvre est Tom, toute sa famille s’est cotisée pour lui payer ses études de Ranger, et quelque part, il ne peut que réussir, il ne peut les décevoir. Ce sont des gamins qui s’engagent, et qui ont très jeunes un projet de vie.

Que deviennent-ils aujourd’hui ?

Comme pour mon précédent film, je garde des liens avec tout le monde. Nous ne payons pas les enfants sur le tournage, puisqu’il s’agit d’un documentaire, mais nous nous engageons à les accompagner dans leur éducation. Nous finançons les quatre années d’université de Nidhi. Pour Deegi, son père a demandé une douche : nous lui en avons construit une, et nous prenons en charge l’école de contorsion de Deegi. Quant à Tom, il a son travail de Ranger, mais il veut poursuivre ses études : nous les prenons en charge. Pour Albert, nous avons fourni beaucoup de matériel à la fédération de boxe. Et pour Roberto, l’ami d’Albert, qui est un gamin des rues, nous allons l’aider à habiter près de chez sa sœur, en lui achetant une petite chambre.

Et les enfants de votre film précédent ?

Nous avons créé une association « Sur le chemin de l’école », où l’on peut verser des dons pour aider ces jeunes dans leurs études. J’aime l’idée de faire des films qui changent la vie des gens.

Ce qui ressort aussi de vos films, c’est le rôle clé de l’éducation…

J’étais moi-même en échec scolaire : j’ai quitté l’école à 15 ans, et si je n’avais pas eu une famille très unie derrière moi, j’aurais certainement mal tourné. Depuis que j’ai des enfants, je me rends compte à quel point l’éducation est importante, et aussi à quel point il existe de l’injustice dans l’accès à l’éducation. Or l’éducation change le monde.

 

 

 

Article publié le 11 septembre