« Etre Charlie » ou ne pas l’être: telle est la question qui sous-tend un petit livre paru jeudi et envoyé aux quelque 4.300 lycées de France pour y promouvoir un débat « sans tabou » sur la liberté d’expression, les discriminations, les rumeurs complotistes et la laïcité.

L’ouvrage, coédité par les éditions de l’Atelier et le réseau pédagogique Canopé, est écrit par Jean-Louis Bianco, Lylia Bouzar et Samuel Grzybowski, qui répondent à vingt questions à chaque fois précédées de trois citations de lycéens glanées sur les réseaux sociaux ou entendues lors de rencontres publiques.

La première question a agité la France d’après les attentats jihadistes des 7 au 9 janvier: « Est-on obligé de dire +Je suis Charlie+ ? ». « Ce slogan n’a pas été expliqué, d’où la confusion qui l’a entouré », regrette Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, qui dépend de Matignon.

« +Etre Charlie+ est un slogan que chacun peut définir de manière différente: je peux être blessé(e) par les caricatures et me sentir Charlie car je soutiens la liberté d’expression », écrit Lylia Bouzar, engagée comme sa mère Dounia Bouzar dans la prévention de la radicalisation jihadiste. Quant à Samuel Grzybowski, fondateur de l’association interconvictionnelle (jeunes croyants ou non) Coexister, il se dit sensible aux « gens heurtés par ce rouleau compresseur et cette omniprésence du Charlie jusque sur les panneaux de signalisation du périphérique parisien ».

« Pourquoi la liberté d’expression pour les caricaturistes et les interdictions pour Dieudonné ? », « pourquoi toute la presse fait-elle la leçon aux musulmans ? », « pourquoi proclamer les valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité – alors qu’on laisse faire les discriminations ? », « et si tous ces assassinats étaient le fruit d’un complot ? », « pourquoi des responsables politiques veulent-ils interdire le port du foulard à l’université ? » sont quelques-unes des questions auxquelles les trois auteurs répondent.

« Ces questions existent, il ne faudrait surtout pas les occulter et se contenter de dire +ce n’est pas vrai+ », +vous n’avez rien compris+ », explique à l’AFP Jean-Louis Bianco.

« On s’aperçoit que, par le dialogue, les lignes bougent, et qu’un travail pédagogique s’engage par le fait même de formuler des questions par écrit », ajoute l’ancien ministre socialiste, qui veut croire que ce livre pourra être « support de débats citoyens » dans les établissements scolaires.