« Nous ne sommes pas très douées, ce n’est pas notre vocation première de s’occuper des affaires et de gérer des associations »: cinq religieuses ont comparu mercredi devant le tribunal correctionnel de Marseille pour escroquerie, une charge qu’elles ont vivement contestée.

Agées de 65 à 87 ans, les prévenues, membres de la Congrégation des Dominicaines du Saint Nom de Jésus, se sont présentées en habit blanc et sandales, rosaire à la taille et voile noir sur les cheveux.

Elles étaient renvoyées devant le tribunal après les plaintes de membres de l’Association d’Enseignement Libre et d’Education (AELE), copropriétaire avec leur Congrégation du Cours Saint Thomas d’Aquin, vaste établissement scolaire du centre-ville de Marseille, récemment fermé.

En juillet 2012, les religieuses établissaient de faux procès-verbaux d’assemblées générales de l’AELE, évinçant certains membres très anciens. Face aux difficultés financières de l’établissement, devant la nécessité de très coûteux travaux de mise en conformité, les soeurs avaient, dans un premier temps envisagé une délocalisation avec une reconstruction de l’établissement, puis sa vente. En août 2012, elles signaient un compromis pour 3,9 millions d’euros au bénéfice d’un promoteur immobilier. Le classement de l’établissement à l’inventaire des monuments historiques a interrompu cette cession.

Se considérant comme illégalement évincée de l’association, l’ancienne secrétaire de l’AELE a expliqué au tribunal qu’elle se serait opposée à la vente en raison des statuts de l’association qui ne prévoient la possibilité de céder les bâtiments qu’au profit d’une oeuvre poursuivant les mêmes missions d’éducation auprès de publics défavorisés.

« Nous ne sommes pas très douées. Ce n’est pas notre vocation première de s’occuper des affaires et de gérer des associations », a fait valoir la prieure générale, se défendant d’une quelconque volonté d’enrichissement: « Nous aurions placé le prix de la vente du bâtiment qui nous appartient pour assurer une vie meilleure aux 32 soeurs qui n’ont que de toutes petites retraites. Le reste aurait été versé à une association ».

Parlant « avec un coeur débordant », l’économe générale a avoué des irrégularités: « Mais je le jure devant Dieu et devant vous, nous n’avons pas voulu évincer les membres de l’association ».

Les faux ne font pas de doutes, la géolocalisation du téléphone des nonnes par les enquêteurs montrant qu’elles n’étaient pas à Marseille à la date de la prétendue assemblée générale. Mais ce n’est qu’un faux matériel aux yeux de la procureure Sylvie Marchelli qui a requis la relaxe des prévenues, en l’absence d’intention délictuelle.

Seule voix hostile aux prévenues, Me Jacques Mimouni, défenseur de l’AELE, a évoqué « une délinquance en robe blanche », dénonçant « la volonté d’éliminer des personnes qui pouvaient s’opposer à leur décision de vendre et de placer l’argent dans des conditions qui ne sont pas élucidées ».

En réponse aux accusations de mensonge, l’une des religieuses en a appelé à Dieu: « L’ancienne secrétaire générale de l’AELE m’a traitée de menteuse. Nous verrons cela là-haut ».

Le tribunal rendra sa décision le 14 octobre.