Ces négociations-là sont presque aussi sérieuses que les vraies: ce week-end, 200 étudiants « répètent » au théâtre des Amandiers les tractations internationales sur le climat, à la recherche de moyens nouveaux pour s’entendre.

A six mois de la grande conférence de Paris sur le climat, le centre dramatique de Nanterre a été pour l’occasion rebaptisé sur son fronton « théâtre des négociations », et sera ouvert au public jusqu’à dimanche 22h.

Les étudiants de Sciences Po Paris, mais aussi élèves ingénieurs, agronomes ou en sciences venus du monde entier, espèrent qu’à cette heure-là ils auront signé ce fameux accord mondial destiné à infléchir le réchauffement planétaire.

« Ca montre toute la difficulté de ces négociations, alors que, vues de l’extérieur, on peut se dire +mais que font-ils, ils se bougent pas! », dit Elise Trouvé-Buisson, une étudiante de l’IEP de Paris, membre de la « délégation du Mexique ». « On comprend pourquoi on peut pinailler sur un mot: parce qu’il est fondamental! »

« Nous essayons d’être créatifs », explique Daryl Shaw, de la délégation du Bangladesh. « Je pense que nous arriverons à un accord, il faudra faire des compromis difficiles. Mais ne pas trouver d’accord sera intéressant aussi ».

Ici les 40 délégations ne représentent plus seulement les pays mais également les océans, les forêts, les grands acteurs économiques, la jeunesse… Elles savent se regrouper aussi.

« Ils sont bouleversants, les gamins », commente leur professeur à l’IEP, le sociologue Bruno Latour, qui compte tirer des enseignements scientifiques de l’expérience.

L’idée était de « confier à des étudiants astucieux la tache d’ouvrir certaines contraintes » de la négociation, dit-il: ici, « presque tout est réaliste, sauf qu’on accélère » le mouvement.

Les délégués, très concentrés, circulent de sessions plénières en discussions restreintes; ils y passeront même toute la nuit de samedi. Dans un théâtre spécialement mis en scène, le public aura droit à des films, des conférences, et également une cérémonie d’ouverture et une de fermeture, en partie concoctées par le codirecteur des Amandiers Philippe Quesne.

Pour lui, organiser avec Sciences Po cette « opération étonnante » est « une évidence ».

« C’est le rôle d’un théâtre public, être une agora, éveiller les consciences », relève le metteur en scène. Avec la crise climatique, « se joue un grand drame de la vie humaine », et les artistes, au même titre que tous les acteurs de la société, ont leur part à livrer.

Impliquer le public est essentiel sur une question si complexe, souligne aussi la négociatrice française Laurence Tubiana, à Nanterre: « sinon les gouvernements ne bougent pas. »

Prof à Sciences Po, elle organisa déjà en 2011 une précédente simulation. « Ce fut une expérience extraordinaire, les étudiants en ont été transformés ».

Quatre ans plus tard, elle croise désormais nombre d’entre eux dans les délégations des négociations climatiques, les vraies celles-là.