Stéphane Benhamou

Stéphane Benhamou

Quels sont les apports de Jean Zay à l’Education ?

Le principal est sans doute d’avoir démocratisé l’école. Jules Ferry  avait fait entrer la république à l’école, Jean Zay la démocratie. En 1936, alors que 50% des enfants terminent leur scolarité avec le certificat d’études primaires (CEP) , il décide de prolonger l’obligation scolaire de 13 à 14 ans. Surtout, il s’interroge sur cette voie royale, qui mène un très petit nombre d’élèves jusqu’au brevet supérieur et au baccalauréat. Il veut vraiment casser ce modèle inégalitaire en créant des classes d’orientation en 6e : il s’agit de classes d’une vingtaine d’élèves où l’on évalue les aptitudes autrement que par du par cœur, avec moins de devoirs à la maison. Sa réforme de l’enseignement de 1937 comporte plusieurs autres nouveautés, notamment les « activités dirigées » qui rappellent les activités périscolaires d’aujourd’hui : elles permettaient des sorties en forêt, de mener des expériences ou  encore de faire entrer le théâtre à l’école… En tant que ministre des Beaux-Arts, il a beaucoup œuvré aussi pour la promotion d’un théâtre populaire, il a posé les bases du TNP (théâtre national populaire).

Pourquoi dit-on de lui qu’il a été un grand ministre de l’Education nationale ?

Avec Jules Ferry, les élèves devaient savoir écrire, lire et compter. Jean Zay a voulu aller plus loin en donnant la chance à tout le monde de faire des études. Tout comme Françoise Dolto dit en 1960 que l’enfant est une personne, Jean Zay considère déjà à son époque que l’élève est un individu à part entière. Les cours magistraux ne sont plus la règle, on privilégie l’écoute et le dialogue avec l’élève.

Que reste-t-il de Jean Zay aujourd’hui ?

Jean Zay

Jean Zay fond Jean Zay des Archives Nationales

Ce qui est incroyable, c’est que malgré les multiples apports de Jean Zay, aucune loi ne porte son nom. Cela s’explique car il a beaucoup pratiqué l’expérimentation, en commençant dans son département le Loiret, avant d’étendre les dispositifs à tout le pays. Aujourd’hui, l’esprit des activités dirigées est encore très présent. L’introduction de l’EPS en primaire s’est généralisée avec Jean Zay. Le Palais de la découverte est aussi à mettre à son actif, pour donner le goût de la science et de la recherche aux enfants. Et puis, Jean Zay est à l’origine du festival de Cannes… A l’époque, le seul grand festival de cinéma était celui de Venise, aux mains des fascistes. Il a aussi créé le musée de l’Homme, le musée d’art moderne, les bibliobus… Autre avancée importante qui rappelle l’œuvre de Jean Zay : la formation continue des enseignants.

Voir le documentaire de Stéphane Benhamou

« L’école est à nous ! ou comment Jean Zay révolutionna l’Education », film documentaire (52 minutes) réalisé par Stéphane Benhamou, rediffusé ce jeudi 28 mai à 8h50 sur France 3 Paris Ile-de-France, Centre-Val de Loire, Bretagne, Pays de la Loire, Haute et Basse-Normandie.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en réalisant votre documentaire ?

J’ai découvert à quel point à l’époque de mes grands-parents, il était rare de poursuivre des études au collège. On entendait vaguement parler d’un cousin qui avait été au collège puis au lycée dans une grande ville, mais c’était de l’ordre de l’exception. Jean Zay est vraiment quelqu’un d’extrêmement important pour la République. La rencontre de ses deux filles, Catherine et Hélène, m’a particulièrement touché. La première est libraire, la seconde enseignante. Ce sont deux femmes remarquables, très attachées à transmettre l’héritage de leur père. Aujourd’hui, alors qu’il entre au Panthéon, elles sont très émues et, en même temps, Jean Zay va un peu leur échapper.