En quoi l’enseignement de la technologie est-il, pour vous, « menacé » par le projet de réforme du collège ?
Le projet de réforme du collège entraînera une suppression d’heures d’enseignement de la technologie en tant que discipline, sous couvert d’une généralisation de l’EIST (enseignement intégré de science et technologie). Ce dispositif, expérimenté depuis 2006, réunit dans un même module d’enseignement pratique les SVT, la physique-chimie et la technologie. Or quand on observe les dernières enquêtes menées par Pagestec auprès des enseignants de technologie, on se rend compte que l’EIST n’a pas prouvé son efficacité. Sa généralisation reviendrait à supprimer les travaux en groupe, d’expérimentation, de conception et de production. Pagestec, qui estime que plus de 2000 postes de professeurs de technologie risquent de disparaître, demande le maintien de 2h d’enseignement hebdomadaire de la technologie au collège. Le projet de réforme du collège indique 1h30 par semaine de la 5e à la 3e et un temps incertain en 6e puisque dilué dans des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Malheureusement, la technologie n’a pas les moyens de se défendre, car elle n’existe que depuis 1985 et il n’y a quasiment aucun universitaire pour la soutenir.
La ministre de l’Education nationale estime que ces EPI permettront de « remobiliser » les élèves. Qu’en pensez-vous ?
Les pratiques interdisciplinaires sont nécessaires mais ponctuellement. La technologie ne peut d’ailleurs pas exister sans faire appel à la physique ou aux maths : par exemple, on ne peut pas calculer la puissance d’un moteur sans faire appel aux forces ou à la notion d’inertie… Avec les EPI, on érige en modèle la démarche d’investigation des scientifiques, purement scolaire, au détriment d’une démarche de projet technique. Les enseignants de technologie tiennent à cette dernière approche car elle aide les élèves à comprendre le monde du travail et les processus de fabrication des produits. Au lieu de ça, on étouffe la technologie dont les apports disciplinaires vont s’amenuiser, voire disparaître.
Autre problème : depuis 2008, le programme scolaire est structuré selon une logique thématique et non plus chronologique. C’est une erreur car l’approche chronologique permet, par exemple, de comprendre le cycle de vie d’un projet : de sa naissance, en passant par sa commercialisation et jusqu’à son recyclage.
Pourquoi la technologie est-elle si importante au collège ?
La technologie est la seule discipline qui propose d’explorer concrètement des outils et des savoir-faire du monde de l’entreprise. Elle permet de donner aux élèves une vision globale de la notion de produit, en fabriquant par exemple des objets qui prennent en compte les pratiques de commercialisation, les enjeux environnementaux… Et puis, la technologie permet d’introduire dans les programmes de nouveaux savoirs, comme le numérique et le codage informatique. Savoir programmer, construire un algorithme… La technologie peut l’apprendre aux élèves !
Je rejoins le discours de M. Rak qui présente un état des lieux avec la perspective d’arriver à un appauvrissement de la culture technologique de nos élèves. Il ne faut pas oublier que cet enseignement est, à l’instar de l’ensemble des disciplines, n’a pas d’ambition professionnalisant. Il s’agit d’un enseignement général. Aussi, faire découvrir l’univers « extérieur » aux élèves, c’est aussi leur donner les clefs de ma appréhender leur quotidien : développer l’esprit critique, utiliser de manière raisonnée les « outils » à leur disposition (savoir-faire), développer le travail en groupe (savoir-être), développer des compétences (savoirs).
La technologie est une matière très « concrète » pour les élèves. Elle permet de montrer en utilisant des notions abstraites de maths ou de physiques leurs utilités, en les insérant dans des démarches de projets. L’élève apprend à travailler en groupe, à prendre des initiatives, à comprendre le monde des objets pour devenir un consommateur avertis.
La technologie est une vraie matière d’enseignement générale qu’il faut préserver (heure + groupes)
Il y a effectivement des notions abstraites mais aussi des applications concrètes de ces notions en physique chimie.
La technologie est importante au collège : la vision de l’évolution d’un produit dans la société y a tout à fait sa place au même titre.
La réforme dissocie la notion de groupe à la notion de discipline, d’où des tensions (voir la guerre) entre collègues. Il faut prévoir des médiateurs.
La démarche technologique est une démarche très utile à n’importe quelle personne qui souhaite réaliser un projet.
La prise en compte de l’aspect scientifique mais aussi des réalités du terrain et de l’aspect économique sont des points que l’élève aborde en technologie, de plus il doit réaliser très souvent un travail collaboratif et il remarque alors rapidement les difficultés du travail en groupe mais aussi ses bénéfices.
Il est donc nécessaire de maintenir la technologie au collège mais surtout de reconstituer des petits groupes en demi-classe pour favoriser les réalisations où les élèves peuvent manipuler réellement outil et machines, matières premières et passer du plan à l’objet.
La généralisation du numérique ne dispense ni de la conception ni de la réalisation des objets.
Les techniciens de demain sont à former aujourd’hui d’urgence surtout si on envisage de revigorer notre industrie mourante.
POUR QUE VIVE LA TECHNOLOGIE AU COLLÈGE
Entièrement d’accord avec Mr Rak.
Je rajoute car j’ai déjà participé à l’enseignement de l’EIST : sans temps de concertation entre les 3 profs (physique/chimie, SVT, technologie) l’EIST ira vers un échec, de plus ce temps de concertation est aussi un temps de formation entre les 3 profs, souvent entre svttechno et svtphys/chim.
« Etouffer » est un verbe très approprié à la situation actuelle.
La Technologie est la passerelle entre les sciences pures et dures et le monde réel, technique, industriel, économique, social et humain dans lequel évolueront demain les ados du Collège.
Peut-on imaginer que l’Homme, à l’image des poissons qui baignent dans l’eau mais ignorent tout de cet élément qui pourtant conditionne leur existence, puisse lui-même évoluer dans une société où la technologie devient de plus en plus prédominante sans chercher à comprendre et gérer ce milieu technologique dans lequel il va baigner tout au long de sa vie ?
Et aprés l’étouffement, qu’advient-il…?
On étouffe les disciplines expérimentales en général. Les connaissances scientifiques et techniques sont difficilement reconnues voire mal aimées et pourtant si utiles.
En technologie, cela fait longtemps qu’on n’utilise plus les machines outils au collège.
L’EIST avec un enseignant, une classe est peu pratiquée mais l’avantage étant en 6ème la transition avec le primaire en ne mettant qu’une seule personne devant une classe.
Le collège est censé préparer au lycée ?
Juste une modification, en 6eme il n’y aura pas d’EPI, il s’agit d’un horaire global de 4h pour SVT et Technologie, Les sciences physiques n’entrent pas explicitement dans le cycle 3.
Cela dit aussi, non, pas tous les enseignants de Technologie sont contre la réforme. Il faut aussi savoir lire cette réforme dans l’intérêt des élèves plus que dans celui des professeurs. Changer les pratiques, les approches disciplinaires et l’organisation horaire semble inéluctable tant la courbe de réussite du collège décroit.
Alors pourquoi, dans mon collège les professeurs de physique-chimie ont déjà demandé à avoir des heures ? Ils peuvent très bien traiter les compétences sur l’énergie par exemple.
La réputation de nos grandes entreprises industrielles françaises qui exportent au niveau mondial a été bâtie sur une maîtrise parfaite du monde technologique.
Mais demain qu’exportera la France sans culture technologique et technique ?
… sans culture technologique et technique mais aussi scientifique !
Sans bien connaître ce qui aura une incidence sur l’enseignement de la technologie dans le projet de réforme, je tiens a donner l’avis suivant :
« Très favorable aux enseignements pluridisciplinaires, qui contribueront à faire tomber les cloisons bcp trop étanches entre les disciplines, mal appréhendées par les élèves fragiles ou/et défavorisés, souvent en risque de décrochage …. ».
le techno doit trouver une articulation avec les enseignements tels que maths, Sc. Phys. au travers d’études de thèmes et projets motivants et mobilisateurs.
André Batignes, proviseur honoraire
à quoi bon espérer une réindustrialisation du pays en rabotant cette matière géniale, qui révèle à l’élève ses besoins d’apprentissage des boites à outils « français, maths, langues, arts, histoire…).
Elle lui permet de se situer dans une perspective d’orientation professionnelle ainsi que la DP3 (à travers le projet techno auquel je participe,à quelle place dans l’entreprise je souhaite travailler dans le futur).
Sauvons la techno pour l’avenir des jeunes, de nos entreprises et de notre nation .
Jean-Luc, prof de techno depuis sa création.
L’article de Mr I.Rak, que je salue, est très intéressant. Toute fois j’aurais aimé voir l’auteur développer d’avantage l’importance de la discipline dans la formation de l’individu. J’aurais pu m’enquérir de la dimension culturelle technique de cette discipline, des difficultés qu’elle rencontre et des objectifs – nobles- qu’elle pouvait viser…
lI est vraiment étonnant de lire sous la plume d’un IPR les critiques les plus injustes adressées à la réforme du collège. EPI, nouveaux programmes, interdisciplinarité, tout serait donc à jeter. Sans parler de l’habituel couplet corporatiste à courte vue sur l’amputation horaire d’une demi-heure ( qui ne fait pourtant que ramener la techno à la hauteur de la SVT, rien d’ infamant, donc ; on est loin de l’étouffement ! ). Comment est-il encore possible d’analyser le collège à travers le prisme étriqué de la défense disciplinaire ? C’est désolant.
On savait déjà combien le retard pris par le socle commun était redevable aux conservatismes de certains IG et IPR. Il faut en tout cas espérer que le point de vue de M.Rak n’est pas partagé par les différents corps d’inspection en activité. Car sans le soutien actif des IPR, les chefs d’établissement – dont je fais partie – auront bien du souci pour convaincre les enseignants de l’urgente nécessité de cette réforme.
De réforme en réforme et de brouillon en brouillon… par qui et à quel professeur sont attribuées les heures d’EPI ?
Attention à la désinformation, elle est violente. Des réformes du collège, il n’y en a pas souvent. Peu de modifications depuis le premier projet, les grandes lignes sont les mêmes. Les heures d’EPI ne sont pas « attribuées » à un professeur. Tout ceci se décide en conseil pédagogique. Tout est transparent. Aux professeurs de monter des projets et de les soumettre. Ne vous inquiétez pas. C’est la situation actuelle qui est inquiétante.
La réforme du collège fait le choix de diminuer dans chaque matière les heures de cours classiques.
Elle propose d’y substituer d’autres modalités d’enseignement : accompagnement personnalisé et EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires).
Les horaires dédiés à ces dispositifs ne sont pas ajoutés, mais ils seront déduits des horaires disciplinaires.
Cela représente 540h de cours « classiques » qui seront enseignés « autrement » sur les 4 années de notre collégien.
Enfin, les programmes d’enseignement changent, pour toutes les matières et à tous les niveaux :
En mathématiques il y aura beaucoup moins de géométrie et en français il n’y aura plus d’enseignement méthodique de la grammaire.
Chaque établissement aura une marge de manœuvre plus importante sur la manière de répartir le travail et sur les contenus des cours.
Par exemple : la répartition des heures de cours par matière et par année sera décidée par les équipes de chaque collège en suivant un cadre général.
Le contenu de l’enseignement proposé sera en partie différent selon les établissements.
Chacun de ces sujets est détaillé sur notre site :http://www.reformeducollege.fr/mieux-comprendre
Nous vous invitons à lire « 10 questions essentielles sur la réforme du collège » ou « un exemple d’emploi du temps ».
[1] : Sauf pour des élèves de cinquième ne bénéficiant pas aujourd’hui d’options ou d’accompagnement éducatif.
Monsieur Rak, je viens juste de lire votre article commentant le livre de Ph Mérieu il y a quelques années et je tombe juste après sur cet article ci. Quel revirement ! Vous souteniez l’approche de Ph Mérieu il y a quelques années, lui qui soutient aujourd’hui cette réforme du collège…A n’y plus rien comprendre. Il réclamait 5h de techno hebdomadaire, on en propose 4 de sciences et techno en 6e, quelle avancée ! Nos élèves de 6e venant de primaire sont perdus avec une multiplicité de matières et de profs a 1h30 hebdo..Nous mettons en oeuvre l’eist pour la 2e année en zep en 6e (4 classes cette année) avec un réel succes pour les élèves. Ils ont une réelle approche de la science et de la techno. nous les voyons toutes les semaines une séance de 2h30 remplie d’expériences et une d’une heure (approfondissements, évaluations..). Quand vous dites que le travail de groupe disparaitrait, avez vous constaté par vous même un fonctionnement d’EIST ? nous avons des groupes de 16 élèves. 4 ilots de 4, les conditions idéales. Les élèves manipulent quasiment à chaque séance. Microscopes, expériences diverses, deux fabrications sur l’année. Ils en sont enchantés, et nous aussi ! la perspective des EPI nous ravit aussi pour les autres niveaux. Ce qui fait défaut pour ce type de fonctionnement est le manque d’heures, on nous en donne avec les EPI. Alors cessons les replis sur soi et ses petits horaires disciplinaires pour faire son petit programme et retroussons nous les manches, il y a tellement à faire avec ce nouveau cadre..
j’entendais hier un prof d’histoire syndiqué snes qui nous disait qu’il ne pourrait plus finir son programme avec une heure en moins et que donc, il fallait abroger la réforme.. Le programme d’histoire était réputé infinissable. Le probleme est donc autre. Qu’il se retrousse les manches pour faire acquérir aussi des savoirs à ses élèves dans le cadre de projets interdisciplinaires.
Les frilosités viennent malheureusement souvent d’une crainte de plus de travail…pas facilement avouable…doublée d’une augmentation du pouvoir du chef d’établissement.. pas plus avouable…
Constater des baisses de niveaux continues de nos élèves sans rien faire n’est pas très responsable. essayons !
Pierre
Je suis outrée par vos commentaires. Comment pouvez vous à ce point faire de la rétention d’informations. Les EPI dépendent aussi des quota horaires obtenus par chaque établissement, des moyens que le ministère leurs attribuera (actuellement, ils sont plus pour les REP) et des orientations décidées par le chef d’établissement. Compte-tenu de la baisse des dotations horaires, très très importante sur le cycle collège, des matières seront forcément fortement pénalisées. Elles concernent notamment les sciences, les mathématiques et la technologie comme les langues…..choix des langues réduit aux principales = régression et non amélioration.
On avait de bons programmes en 6 ème et 5 ème adaptés au niveau des élèves sans réelles prétentions mathématiques …. qui n’excluaient personne et dont les thèmes très différents permettaient aux élèves de travailler sur des objets techniques aussi très différents ( de la bicyclette aux ponts ) . Quel dommage d’en changer ! Maintenant c’est retour à la démarche de projet sur les niveaux 5ème, 4éme, 3ème comme autrefois ! avec de la programmation par dessus le marché. Ca va motiver qui ? On a de nombreux élèves qui sont en difficultés en math notamment qui ne comprennent pas, la logique c’est pas leur truc ! seuls les quatre élèves ou cinq élèves de la classe qui ont un esprit scientifique seront motivés …. On va à la cata …
La technologie prend-elle le chemin de sa disparition ?
Cette nouvelle réforme prévoit le « pôle science » qui regroupera techno, SVT et sciences physique. Or, dans mon établissement, la technologie se fera sans professeur de technologie puisque ce sera la collègue de SVT qui assurera à elle seule le pôle science. Difficile d’imaginer que les investissements effectués par le professeur de technologie puissent disparaitre. Peut on enseigner une discipline pour laquelle nous n’avons pas été formé ? En ce qui me concerne, je n’envisagerai pas un instant enseigner la SVT. Ma culture est technique, pas scientifique.
Quels regards peut-on avoir sur des enseignements dispensés par des gens qui ne connaissent pas la matière ? Quels impacts cela peut-il avoir sur la société ? et sur les étudiants de demain ?
Depuis quelques années de rumeurs sur la suppression de la Technologie au collège courent. Quel gachis, on a tout fait pour étouffer cette discipline, pour finir … par la supprimer !
En tant retraité de l’éducation nationale, j’ai vécu cette évolution dans les collèges. Il y a 30 ans, on travaillait avec des effectifs réduits de la 6e à la 3eme.
Aujourd’hui des classes à + 30 élèves, 1h30 de la 6e à la 3e, le professeur aura 12 à 14 classes.Plus de copies, plus de travail pour le professeur ,c’est l’échec assuré et programmé de la discipline !
Sauf que les élèves ne font rien en pratique bien souvent ils sont sur des ordinateurs : « pas de soudure électronique, aucun projet de fabrication d’un objet technique etc etc beaucoup de professeurs de technologie font des activités sur ordinateurs et rien de réel !! Voilà pourquoi cette matière se voit perdre des heures et risque de disparaître : »à qui la faute » ??’