Le romancier Alexandre Jardin vient de publier « Laissez nous faire ! On a déjà commencé ». Même s’il laisse une place au récit intime, cet ouvrage tient surtout du manifeste pour le mouvement « Bleu Blanc Zèbre » que l’auteur a lancé. Avec celui-ci, Alexandre Jardin invite chaque citoyen à apporter sa propre solution aux « maux de la société française ».

Alexandre Jardin, source VousNousIls
Les enseignants sont pratiquement absents de votre livre. L’école ne serait-elle pas concernée par la dynamique des Faizeux ?
Bien sûr que si ! L’éducation, c’est le sujet qui me tient le plus à cœur. Vous connaissez mon engagement avec l’association Lire et Faire Lire qui compte aujourd’hui 16.0000 bénévoles et dont la seule ambition est de fabriquer une nation de lecteurs. Mais je m’exprime souvent sur l’école et j’ai voulu, cette fois, aborder aussi d’autres thématiques. Non seulement il n’y a pas d’incompatibilité entre l’école et notre mouvement, mais je pense même que c’est au sein de l’Éducation nationale que se trouve le plus grand réservoir de ceux que j’appelle les Zèbres.
On n’en trouve pourtant aucun sur la plateforme web de votre mouvement…
Oui, car il est très compliqué pour eux de s’engager publiquement. Ils ont peur ! Ce que je comprends parfaitement puisque les équipes enseignantes qui sortent du cadre ont presque toujours des soucis avec leur hiérarchie. Et pourtant, ces profs convaincus, engagés, enthousiastes savent mieux que quiconque ce qu’il faut au gamin qui n’arrive pas à lire, ou à celui qui peine à s’intéresser aux cours… C’est une folie de les brider. Vous ne pouvez pas à la fois vous battre contre la fatalité qui frappe vos élèves et contre vos supérieurs, cela vous épuise, vous vide… Observez les lycées agricoles, ce sont des pépinières d’innovations pédagogiques extraordinaires. Pourquoi ? Parce qu’ils dépendent du ministère de l’Agriculture, pas de l’Education nationale.
Vous êtes très critique sur le système scolaire en général et tout particulièrement sur le collège. Souhaitez-vous pour celui-ci davantage d’autonomie sur le modèle de la réforme de l’université que vous aviez à l’époque applaudi ?
Je ne comprends même pas pourquoi on débat encore de l’idée de savoir s’il faut donner ou non plus d’autonomie aux collèges… Le collège unique est un ratage général dont la note est payée par les classes populaires. En Allemagne ou en Suisse, on entre sur le marché de l’emploi par l’apprentissage. Nous, plus malins que tout le monde, avons imaginé ce collège unique au coût social abominable qui dévalorise les métiers. Une anecdote. Il y a quelques semaines une adolescente m’aborde dans une cour de récré. « Monsieur Jardin, tu peux m’aider, j’ai un problème : je suis trop bonne à l’école ! » Je m’étonne : « C’est un problème ça ? » « Oui. Ils m’ont fait passer en seconde générale alors que je veux m’inscrire dans un établissement professionnel pour apprendre à créer et m’occuper de jardins. C’est ma passion, mais ils ne m’écoutent pas. » La direction de l’école avait même fait passer la gamine devant un psychologue ! Le directeur de l’établissement s’est défendu en disant que la jeune fille avait « un vrai potentiel », qu’elle « les remercierait plus tard » et qu’«à cet âge, ils ne savent pas ce qui est bon pour eux. » C’est hallucinant ! À quel moment va-t-on enfin faire confiance à ceux qui ont des enthousiasmes, des rêves, des envies ?
Je ne veux pas entrer dans un énième débat sur la réforme du collège. La démarche du mouvement Bleu Blanc Zèbre n’est pas de distribuer bons et mauvais points ou de dire comment il faudrait faire. Notre crédo est de s’intéresser à ce que chaque citoyen peut faire localement, concrètement, immédiatement.
Faites-vous encore confiance aux enseignants ?
Je fais prodigieusement confiance à nos enseignants ; prodigieusement. Le pays connaît un tel échec scolaire que nous, adultes, profs, parents, avons une obligation morale à sortir de ce cadre qui fracasse les gamins. Un prof d’une classe de 6e dont une partie des enfants ne sait pas lire ne peut pas faire semblant ; c’est socialement intenable.
Le pays est en train de crever de notre attentisme collectif. Il est incroyable qu’une société aussi intelligente que la nôtre soit autant soumise à la technocratie. Ça suffit ! Évidemment que c’est difficile de rompre avec ça et de surmonter ses peurs. Mais si vous avez une bonne idée, si vous y croyez, allez-y, démontrez le bien-fondé de votre intuition par l’exemple, par sa réalisation. Vous allez voir, cela fait un bien fou à tout le monde et c’est terriblement joyeux.
Olivier Van Caemerbèke
A part l’orientation précoce en professionnel, je suis tout à fait d’accord avec Alexandre Jardin. En particulier, sur le passage qui explique comment la hiérarchie bride les enseignants.
« Oui, car il est très compliqué pour eux de s’engager publiquement. Ils ont peur ! Ce que je comprends parfaitement puisque les équipes enseignantes qui sortent du cadre ont presque toujours des soucis avec leur hiérarchie. Et pourtant, ces profs convaincus, engagés, enthousiastes savent mieux que quiconque ce qu’il faut au gamin qui n’arrive pas à lire, ou à celui qui peine à s’intéresser aux cours… C’est une folie de les brider. Vous ne pouvez pas à la fois vous battre contre la fatalité qui frappe vos élèves et contre vos supérieurs, cela vous épuise, vous vide… «
Absolument convaincue qu il faut faire confiance aux enseignants
Hélas la vieille machine Éducation Nationale aurait des choses a6 revoir……!