Pierre-Yves Saillant

Pierre-Yves Saillant

Vous êtes un des organisateurs d’Innovatives SHS. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours, et êtes-vous vous-même chercheur en SHS ?

Je suis chimiste à l’origine, mais j’ai depuis plusieurs années un parcours de communicant au sein du CNRS. J’ai travaillé auparavant entre autres à la direction des musées de France, puis sur un grand projet lié au centenaire de la découverte du site de Delphes pour l’école française d’Athènes en partenariat avec le CNRS. C’est progressivement et par l’archéologie que j’ai abordé les SHS. J’ai aussi travaillé à la promotion de la recherche en archéologie sur de nombreux grands sites dans le monde, pour présenter au public sur place, en temps réel, les derniers résultats de la recherche, et également lui expliquer le sens des pierres et des ruines qu’il a sous les yeux. Enfin, j’ai conçu la scénographie de l’Archéopole. C’est ainsi que je suis entré en contact avec les sciences humaines. Ce qui m’a amené à conduire pour la seconde fois l’exposition du salon Innovatives SHS.

Comment est née l’idée de créer Innovatives SHS ?

C’est une idée de Patrice Bourdelais, directeur de l’institut des sciences de l’homme et de la société du CNRS. Cette idée est une réponse aux débats qui agitent sporadiquement la société sur l’intérêt et l’usage des SHS. Dans un contexte de rigueur budgétaire, certains se demandent même s’il faut continuer à financer ce champ de la recherche. Se poser cette question prouve une méconnaissance complète de ce qu’apportent les sciences humaines au monde économique et social. Un exemple ? A quoi sert l’archéologie ? Le Louvre, qui héberge un patrimoine archéologique de première importance, attire 15 millions de visiteurs par an. Voilà un exemple tout simple de retombées économiques.

Les Anglais ont d’ailleurs montré que les retombées de la recherche en sciences humaines et sociales sont en valeurs économiques les plus importantes de tous les domaines de recherche !

L’idée de concevoir un salon qui présente ces retombées économiques est par ailleurs naturelle pour le CNRS, principal organisme dédié à la recherche fondamentale – y compris en SHS. Nous avons donc décidé de lancer en 2013 la première édition des Innovatives SHS.

Les équipes de SHS travaillent depuis longtemps en interaction avec les laboratoires d’autres disciplines scientifiques. Cette année par exemple, nous présenterons lors du salon le laboratoire Cermes3 qui développe un outil d’aide aux patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs, Altotoc. Ce laboratoire de sociologie et d’épistémologie du CNRS et de l’INSERM en association avec un grand hôpital parisien a développé une application informant les patients souffrant de TOC que les démarches ou vérifications qu’ils font dans le cadre de leur maladie ont bien été faites, et en conséquence qu’ils ne sont pas obligés de recommencer.

Mais est-ce que toutes les disciplines des sciences humaines sont vraiment représentées lors d’Innovatives SHS ? Qu’en est-il de la littérature, des langues, de la philosophie…

Le travail des laboratoires de SHS peut irriguer l’industrie ou les collectivités territoriales… Certaines disciplines en sciences humaines, en littérature par exemple, proposent il est vrai un travail plutôt académique. Mais pas toujours ! Nous présenterons lors d’Innovatives SHS, le projet d’un labo de philosophie « la philosophie en petits morceaux » qui vise à faire découvrir à tous la philosophie des sciences grâce à de petits films d’animation.

Nous présenterons aussi plusieurs projets liés à la linguistique, tels que « Langage et diversité des langues : enjeux cognitifs et technologiques, applications », « Dyslexie » ou encore, en allemand, « Valorisation of German Speech Corpora ».

Peut-on donc affirmer qu’aujourd’hui dans le circuit économique et le monde de l’entreprise, les sciences humaines et sociales ont toute leur place ?

Un docteur en sociologie ou en anthropologie peut par exemple faire un excellent DRH ! Et plus généralement, il est indispensable de toujours garder en tête qu’une économie n’a de valeur que si elle sert l’humain. Sans quoi, il faut s’attendre à de graves dérives.