Bruno Benoit

Bruno Benoit

Pourquoi la réforme du collège vous inquiète-t-elle ?

Elle nous inquiète parce qu’elle remet en cause l’approche disciplinaire à laquelle nous tenons. Les professeurs d’Histoire- Géographie disposent de 2h30 d’enseignement par semaine au collège (3h avec l’enseignement moral et civique). C’est déjà peu et on nous annonce que 20% de ce volume horaire sera prélevé pour mener des travaux interdisciplinaires. Résultat : il ne restera que 2h, au mieux, pour faire cours. On se dirige donc vers un enseignement au rabais. Nous ne voulons pas être des animateurs culturels qui effectuent des travaux collectifs !

Il est aussi question de programmes scolaires avec des modules obligatoires et d’autres facultatifs. Comme les évolutions de carrière sont étroitement liées aux inspections de l’Education nationale, cela signifie que les enseignants vont être contraints de traiter en priorité les modules obligatoires. Nous tenons à des programmes nationaux qui ne coupent pas à la hache des pans entiers de l’Histoire. Le risque est grand de renforcer les discriminations et les inégalités territoriales.

Certains historiens estiment que les nouveaux programmes présentés par le Conseil supérieur des programmes (CSP) livrent une vision « culpabilisante » de l’Histoire de France…

Je ne partage pas ce point de vue. Nous avons toujours abordé les heures sombres de l’Histoire de France, notamment la colonisation ou la traite négrière. Il faut l’assumer pour avancer. Ce qui est gênant, c’est de valoriser ces pages noires en obligeant les collègues à les traiter et, dans le même temps, reléguer au rang d’option des sujets fondamentaux comme le siècle des Lumières, essentiel pour comprendre la Révolution Française, ou encore l’Histoire de la Chrétienté… Mieux vaudrait donner un volume horaire annuel global et des thèmes à traiter aux enseignants, charge à eux ensuite d’adapter leur cours en fonction de leur public. Dans une France qui connaît des tensions et où l’on vote à 25% pour le FN, ce type de programme va à l’encontre de la recherche de l’apaisement.

Les nouveaux programmes présentent-ils néanmoins des points positifs ?

Revenir à une logique chronologique est très positif. De la même façon, la liberté pédagogique de l’enseignant a été enfin comprise. Mais on ne peut pas faire une grande réforme avec des petits moyens. Les enseignants en ont assez des réformes inachevées. L’Histoire et la Géographie sont des disciplines qui méritent qu’on leur accorde du temps. De plus, il faut une formation des enseignants de qualité, avec un CAPES approfondi sur le plan scientifique. Sans compter qu’une grande partie de la formation continue des enseignants est organisée par notre association… La réforme est encore en gestation et nous espérons donc qu’elle va évoluer. Nous allons utiliser tous les moyens à notre disposition pour que ce soit le cas.