Les Chemins de la Marseillaise

Les Chemins de la Marseillaise

Pourquoi ce livre sur l’histoire de la Marseillaise ?

Pour au moins deux raisons. D’une part, la Marseillaise réapparaît de manière récurrente au centre de l’actualité : on l’a vu après les attentats de Paris en janvier dernier, où elle a résonné partout en France, mais aussi régulièrement lorsque son texte est critiqué par certains politiques ou artistes. D’autre part, la paternité de La Marseillaise, attribuée à Rouget de l’Isle, a été contestée et cela ouvrait la voie à un roman historique.

En tant que professeur d’Histoire, n’est-ce pas contre nature de rédiger un roman, avec une part de fiction ? N’est-ce pas introduire du flou dans l’esprit des lecteurs ?

C’est tout le débat du roman historique. On peut utiliser l’Histoire comme un prétexte, un décor. Ou se dire que le roman historique doit poser de vraies problématiques comme le fait un professeur d’Histoire. Comment naît un hymne national ? Comment est-il perçu par les Français et en particulier les classes populaires ? Et quelle est la place des femmes dans la Révolution ? Autant de questions posées dans mon roman. La grande part de la fiction repose sur l’héroïne Amélie de Dietrich (nièce du maire de Strasbourg de 1790 à 1792), que je présente comme très dynamique et courageuse. La vraie Amélie a existé mais, sans doute, était-elle plus effacée. Pour le reste, je me suis attaché à respecter la chronologie des événements et les liens entre les protagonistes. Mon roman, largement inscrit dans l’Histoire, est une fiction raisonnée.

Vous présentez Rouget de l’Isle comme un imposteur. Que sait-on vraiment sur la paternité du « chant de guerre pour l’Armée du Rhin »?

Il faut distinguer le texte d’une part, et la musique d’autre part. Pour le texte, à l’évidence tous les couplets ne sont pas de Rouget de l’Isle. Il est et reste monarchiste ! Le passage « Chez les Français, les rois sont morts, vive à jamais la République » ne peut être de lui. Plus tard d’ailleurs, les Royalistes lui feront payer d’avoir écrit la Marseillaise, puisqu’il va connaître la disgrâce lors de la Restauration. En revanche, tout porte à croire que les premiers couplets sont de lui, même s’il a pu s’inspirer de textes antérieurs. Pour la musique, des historiens comme Arthur Loth et surtout Frédéric Robert ont prouvé que tous ceux qui prétendaient avoir composé la Marseillaise étaient des plagiaires. Elle est donc probablement de Rouget de l’Isle. Il a eu un éclair d’inspiration, le temps d’une nuit.

Que pensez-vous des tentatives, notamment du Président Valéry Giscard d’Estaing, de modifier le rythme de ce chant patriotique et de la pétition lancée par une enseignante début 2015 pour changer les paroles ?

C’est aberrant. La polémique repose surtout sur l’expression « sang impur » dans le premier couplet. Les critiques d’incitation à la haine raciale sont un anachronisme grave. En 1792, il n’y a pas de théories raciales. Celles de Joseph-Arthur de Gobineau, datent du milieu du XIXe siècle. D’où provient ce sang impur ? Il faut se méfier car dans la Marseillaise, il y ce passage : « s’ils tombent, nos jeunes héros, la terre en produit de nouveaux ». Il n’est donc pas exclu que ce soit le sang des Français roturiers, que l’on opposait à l’époque au sang pur (et bleu !) de l’aristocratie qui « abreuve les sillons »…

La Marseillaise doit-elle toujours être enseignée à l’école ?

Oui, l’occasion est excellente de montrer qu’il n’y a pas que la strophe la plus connue, mais 15 couplets avec des mesures et des paroles de modération. Il faut veiller à contextualiser : au printemps 1792, la menace était très lourde sur le pays. Il n’y a pas de racisme d’Etat dans ce texte quand on sait que la Révolution a accordé la citoyenneté aux Juifs de France et que la Convention, en 1794, a aboli l’esclavage.