Les “twictées”, ces dictées collaboratives, interactives et en 140 caractères, sont nées en 2013, suite à la réflexion de deux enseignants, Régis Forgione, professeur des écoles à Freyming-Merlebach (Moselle), et Fabien Hobart, accompagnant pédagogique et chargé de mission pour la délégation académique au numérique (DAN) de Créteil.
Les créateurs des twictées gèrent ensemble le compte “Twictée Officiel”, le compte Twitter référent, au centre du dispositif. Ils structurent les groupes, organisent les séances. L’idée de ce dispositif est née après la lecture, par Fabien Hobart, d’un ouvrage baptisé “Comment enseigner l’orthographe aujourd’hui”. Les auteurs, deux chercheuses en sciences du langage, y édictent 5 grands principes pédagogiques.
La simplexité : rendre simples des processus complexes
“Premier principe : il faut différencier la connaissance d’une règle orthographique de sa mise en oeuvre. Typiquement, les élèves connaissent les règles, mais quand ils passent en production d’écrits ou en dictée, ils ne les opérationnalisent pas”, explique Fabien Hobart. Le deuxième principe consiste à “distinguer les savoirs reposant sur la mémorisation (l’orthographe lexicale) et les savoirs reposant sur l’analyse (l’orthographe grammaticale).
Le troisième principe est la mise en place d’une “progression véritable”. Ainsi, “il faut penser une progression, et être soucieux de l’évolution de la complexité des événements que l’on apporte, pour ne pas faire paniquer les élèves”, indique Fabien Hobart.
“On essaie de rassurer les élèves, de les sécuriser, dans un apprentissage qu’ils savent complexe. L’orthographe, c’est compliqué, mais on y va doucement. On travaille sur leur sentiment d’efficacité personnelle”, remarque le conseiller pédagogique.
Les deux derniers principes sont “la pratique d’une évaluation positive” et l’emploi d’activités qui “engagent intellectuellement” les élèves. C’est, note Fabien Hobart, “ce que les sociologues appellent la ‘simplexité‘ : rendre simples, compréhensibles les choses complexes.”
Utilisant à l’époque Twitter avec sa classe, au sein d’une “Twittclasse”, l’enseignant imagine alors des dictées en 140 caractères. “Ce format, rassurant pour l’élève, permet de lui faire produire de petites leçons d’orthographe (les “twoutils”), qui lui permettent de structurer sa pensée”, remarque-t-il.
Les twoutils « développent la vigilance orthographique »
Fin 2013, Régis Forgione rejoint Fabien Hobart. “Ce qui se passe sur Twitter est totalement en adéquation avec ces 5 grands principes : le côté rassurant de la dictée en 140 caractères, mais aussi le côté contraignant de la production de twoutils, qui favorise le focus cognitif des élèves sur une erreur d’orthographe !”, lâche le professeur mosellan.
A long terme, la création de twoutils “est un dispositif ritualisé, qui permet de développer la vigilance orthographique, et d’accélérer l’apprentissage de l’orthographe”, affirme Régis Forgione. Le format en 140 caractères “permet en outre de dédramatiser. Pour l’élève, travailler sur une phrase, ou deux, est plus rassurant que de se retrouver face à un texte d’une quinzaine de lignes. Le fait de corriger les erreurs, identiques aux siennes, d’élèves se trouvant ailleurs en France ou dans le monde lui permet aussi de gagner en confiance en lui”, ajoute-t-il.
En plus de “motiver les élèves”, la correction des twictées d’autres classes “créent chez eux un fort sentiment de compétences. Ils ont ensuite moins peur de l’orthographe et de l’erreur”, indique Régis Forgione. Dans sa classe, l’enseignant “évalue les twictées de façon positive” : il a troqué les notes contre des pourcentages de réussite. “Je ne note pas que les erreurs, mais aussi le fait d’avoir créé un bon twoutil. La note en pourcentage de réussite permet de créer une courbe, qui montre à l’élève sa progression, entre le début et la fin de la twictée”, ajoute-t-il.

Régis Forgione ne « note » pas les twictées : il attribue des « pourcentages de réussite » à ses élèves.
Pour Fabien Hobart, “la twictée va dans le sens de la simplexité : ce que nous demandons aux élèves est au fond très complexe – chercher l’information, identifier une erreur, la catégoriser, la restituer -, tout en étant simple d’apparence, ludique, convivial”.
Travail d’équipe et réseau de “twictonautes”
Mais les twictées ne sont pas bénéfiques que pour les élèves : pour les enseignants eux-mêmes, c’est l’occasion d’échanger des idées. Plus de 70 twittclasses francophones, pour 80 enseignants, participent actuellement aux twictées, et l’idée de Régis Forgione et Fabien Hobart est d’étendre le dispositif au monde anglo-saxon – sous le terme “twictation”.
Les twictées sont aussi un réseau, une communauté de 80 “twictonautes”, qui préparent ensemble chaque session sur leur temps libre, en ligne, “dans le moindre détail – jusqu’à obtenir la bonne phrase, les bons 140 caractères”, indique Fabien Hobart.
Selon l’accompagnant pédagogique, le dispositif des twictées a permis de bâtir un “réseau d’apprentissage collaboratif”, où “la connaissance se construit entre pairs”, de façon “décomplexée”. Chacun participe, apporte ses idées. “Nous nous donnons des coups de main entre professionnels, et nous sommes très loin des formations traditionnelles et des circuits institutionnels !”, lance Fabien Hobart. L’enseignant remarque : “la twictée devient à force la forme de twittclasse la plus aboutie, et les idées pédagogiques autour continuent de fleurir”.
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