La proposition de loi sur la neutralité religieuse dans les crèches privées n’en finit pas de créer des remous: l’Observatoire contre l’islamophobie au Conseil français du culte musulman (CFCM) a fustigé mardi une « politique d’intolérance », quand celui de la laïcité y voyait « un énorme danger ».

Les députés ont adopté en commission la semaine dernière une proposition de loi des radicaux de gauche visant à permettre aux crèches privées d’inscrire le respect des principes de laïcité et de neutralité dans leur règlement intérieur.

Le texte doit être débattu en séance jeudi en première lecture à l’Assemblée nationale.

« Nous disons oui à la laïcité mais nous dénonçons fermement cette tendance à mettre en place une politique d’intolérance religieuse systématique et spécifiquement dirigée contre les musulmans, quoiqu’on en dise », écrit le président de l’Observatoire contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, dans un communiqué.

Selon cette instance membre du CFCM, « cette vision totalitaire et extrémiste de la laïcité au mépris de la tolérance et de l’intelligence met en danger l’esprit du vivre-ensemble porté par les citoyens de France le 11 janvier dernier ».

La Conférence des évêques de France avait réagi dès la semaine dernière en pointant « un danger » dans cette proposition qui, selon elle, « n’est pas du tout dans l’esprit de la loi de 1905 » portant séparation des Eglises et de l’Etat.

L’Observatoire de la laïcité lui-même, qui dépend de Matignon, estime dans un communiqué qu' »imposer une neutralité générale et absolue pourrait être contre-productif et contrevenir aux principes constitutionnels et de la Convention européenne des droits de l’Homme d’égalité et de liberté de conscience ».

« Je crois que c’est extraordinairement dangereux, on met le doigt dans un engrenage », a déclaré à l’AFP le président de cet observatoire, l’ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco. « L’étape suivante ce sera les mamans accompagnatrices de sorties scolaires, puis le débat sur le voile à l’université, ensuite la menace d’une stricte neutralité pour les usagers du service public, voire la neutralité en entreprise », a-t-il poursuivi.

L’ancien secrétaire général de l’Elysée a en outre jugé « paradoxal qu’on puisse envisager d’adopter cette proposition alors qu’elle figure dans le programme du Front national pour les élections départementales ».

« J’y vois un énorme danger pour la cohésion même du pays », a prévenu M. Bianco, faisant état d' »énormément de réactions », pas seulement chez les musulmans. « J’espère vraiment qu’on va arrêter cette mécanique infernale », a-t-il souligné.

Cette proposition de loi distingue plusieurs situations. Lorsque des établissements privés accueillant des mineurs (crèches, garderies, centres de loisirs et de vacances…) bénéficient de financements publics destinés à soutenir leur activité, ils seront « soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse ».

Lorsqu’ils n’ont pas de financement public, ils pourront prévoir dans leur règlement intérieur « certaines restrictions à la liberté d’expression religieuse de leurs salariés au contact d’enfants » ou de mineurs.