Open book with hand drawn landscape © ra2 studio - Fotolia

Open book with hand drawn landscape © ra2 studio – Fotolia

Aux Etats-Unis, où un enfant né dans une famille en situation de précarité n’a que 9% de chances d’obtenir un jour un diplôme universitaire (contrairement aux élèves issus de familles aisés, où le taux de réussite à l’université est de 54%), des chercheurs pensent avoir trouvé un remède aux inégalités éducatives et au décrochage.

La solution, simple, prend la forme de « coups de pouce », ou « nudges« . Ce concept, né outre-atlantique, a le vent en poupe aux Etats-Unis. Il s’agit d’une façon d’inciter, en douceur, quelqu’un à changer son comportement, sans la moindre contrainte. Déjà utilisés dans le domaine de la santé, de l’environnement ou de la fiscalité, les « nudges » pourraient ainsi être appliqués à l’éducation.

Il s’agit, dans ce cadre, « d’inciter les étudiants et leurs familles à faire de petits pas pouvant faire de grandes différences dans l’apprentissage », explique, dans une tribune accordée au New-York Times, Susan Dynarski, professeure d’économie et de sciences de l’éducation à l’Université du Michigan. Ces mesures, qui « ne coûtent pas cher », pourraient être utilisées « immédiatement » par les écoles, ajoute-t-elle.

Des SMS pour motiver les étudiants

Aux Etats-Unis, 20% des lycéens tout juste diplômés ne s’inscrivent pas à l’université, alors qu’ils avaient pourtant l’intention de s’y rendre. « Cet abandon durant l’été s’explique en partie par des obstacles bureaucratiques, comme le processus labyrinthique de demande d’aide financière », explique Susan Dynarski.

studentin lernt für eine prüfung © contrastwerkstatt - Fotolia

studentin lernt für eine prüfung © contrastwerkstatt – Fotolia

Pour éviter cela, deux chercheurs de l’Université de Virginie et de l’Université de Pittsburgh, ont testé un système de SMS automatiques, mais personnalisés, qui rappellent aux élèves du secondaire les délais pour s’inscrire à l’université, renvoyant notamment vers les formulaires à remplir.

Résultat, 70% des étudiants ayant reçu ces SMS « sont plus susceptibles de s’inscrire en Fac », alors que chez ceux n’en ayant pas reçu (faisant aussi partie du test), « ce chiffre tombe à 63% », indique Susan Dynarski. « Sept points de pourcentage représentent une augmentation considérable, semblable aux gains produits par les bourses d’études qui coûtent des milliers de dollars. Ici, ce programme ne coûte que 7 $ par étudiant », ajoute Susan Dynarski, connue pour avoir conseillé le président Barack Obama dans le cadre de sa politique d’aide aux étudiants américains.

Les chercheurs ont aussi testé un autre programme de SMS destiné à éviter aux étudiants déjà à l’université de décrocher, ou de sortir sans diplôme (2 étudiants à faible revenu sur 3). Pour les motiver, des textos automatiques rappellent aux étudiants les formulaires à remplir pour se réinscrire, notamment les demandes d’aide financière. « Parmi les étudiants de première année qui ont reçu les SMS, 68% se sont inscrits en deuxième année, comparativement à 54% de ceux qui n’ont pas reçu de nudge », note Susan Dynarski.

Les SMS ne sont pas pour autant la solution miracle, certains étudiants en difficulté financière ayant besoin de conseils personnalisés, destinés à les aider à concilier les études, la vie de famille et un emploi à temps partiel. Problème : aux USA, les conseillers d’orientation sont « débordés », sollicités par des milliers d’étudiants. D’autres chercheurs, à l’Université de Stanford, ont mis en place un programme basé sur les « nudges ». Des « coachs » universitaires professionnels appellent au téléphone les élèves « à risque » (susceptibles de décrocher) et discutent avec eux de leur gestion du temps et de leurs études.

« Le coach peut aider un étudiant à planifier le temps qu’il consacrera à chaque matière dans les jours approchant les examens finaux, par exemple », explique Susan Dynarski. Selon l’enseignante-chercheuse, « les résultats sont impressionnants, avec bien plus d’étudiants coachés susceptibles de rester à l’université et d’être diplômés. Ce programme est plus cher que les textos (500 $ par étudiant, par semestre), mais les effets persistent pendant des années après la fin du coaching ».

Des « nudges » jusqu’en maternelle

schülerin schaut auf ihr handy © contrastwerkstatt - Fotolia

schülerin schaut auf ihr handy © contrastwerkstatt – Fotolia

Dans le cadre des enseignements primaire et secondaire, les « nudges » peuvent aussi être utilisés pour tenter de « capter » les élèves susceptibles de décrocher. Ainsi, note Susan Dynarski, deux autres chercheurs de Stanford ont mis en place, à San Francisco, un programme d’alphabétisation pour les enfants de maternelle.

« Ils envoient des SMS aux parents, décrivant des activités simples permettant de développer les compétences d’alphabétisation, comme des mots qui riment, ou qui commencent par le même son. Les parents ayant reçu ces textos pratiquent davantage d’activités de ce type avec leurs enfants, et ceux-ci sont plus susceptibles de connaître rapidement l’alphabet et les sons des lettres », écrit la professeure. Et d’ajouter : « ce système ne coûte que quelques dollars par famille« .

A l’Université de Chicago, des chercheurs testent aussi un système de SMS envoyés aux familles d’enfants d’âge préscolaire. Y figurent des conseils sur la façon de lire avec leurs enfants. « Ainsi, les parents passent beaucoup plus de temps à lire avec leurs enfants« , constate Susan Dynarski.

Les « nudges » par SMS peuvent aussi être un moyen pour les enseignants de transmettre aux parents des informations sur les efforts de leurs enfants à l’école. Ainsi, à Los Angeles, un lycée a testé, pour un chercheur de l’Université de Columbia, un système de correspondance entre professeurs et parents d’élèves. Des SMS personnalisés étaient envoyés lorsque les enfants n’avaient pas rendu leurs devoirs, ou rencontraient des difficultés spécifiques.

Les SMS pouvaient aussi contenir la liste des cours à revoir à la maison pour combler des lacunes. « Le taux de devoirs rendus a grimpé de 25% et les résultats scolaires ont augmenté« , indique Susan Dynarski, qui précise que « d’autres formes de communication » que les SMS peuvent être utilisés pour donner des « coups de pouce » aux enfants et aux familles. Ainsi, les e-mails et les coups de téléphone faisaient aussi partie du système testé par le lycée californien.