
Christine Balagué
Le CNNum a rendu un rapport avec 40 recommandations pour « bâtir une école créative et juste dans un monde numérique ». En est-on très éloigné aujourd’hui ?
On en est encore loin mais de nombreuses initiatives sont déjà développées au sein de l’école et beaucoup de professeurs ont envie d’aller vers l’école numérique et se montrant particulièrement innovants. Nous bénéficions en France d’une extraordinaire communauté éducative, savante, imaginative. Il existe également tout un écosystème d’acteurs innovants autour de l’e-éducation. Il faut donc capitaliser sur toutes ces forces vives, pour donner une nouvelle dimension à l’école numérique.
Parmi les 8 propositions phares du CNNum figure la création d’un bac « humanités numériques » pour « revitaliser les études secondaires ». De quoi s’agit-il ?
Toutes les propositions de notre rapport sont liées. Ce nouveau bac s’inscrirait dans son époque et revitaliserait les études secondaires avec la création numérique, le design mais aussi la découverte des big data, de la data visualisation, des métiers informatiques et créatifs. Sa mise en œuvre pourrait être expérimentée rapidement, en classe Terminale par un « double bac » (S, L ou ES, plus Humanités Numériques). L’objectif est de revisiter les humanités dans toutes leur richesse et leur modernité, en s’appuyant sur les sciences, les techniques et les pratiques du numérique. Il ne peut se comprendre qu’en lien avec les deux premières recommandations du rapport, l’apprentissage de l’informatique et la littératie numérique (la capacité à utiliser, comprendre et créer avec les technologies de l’information et de la communication). Il serait destiné aux scientifiques comme aux littéraires, car le numérique intéresse tout le monde.
Qu’entendez-vous pas la création de cours d’informatique, de l’école primaire au lycée ?
En 2013, j’ai participé au rapport de l’académie des sciences sur la nécessité de mettre en place un enseignement de l’informatique depuis le primaire jusqu’au lycée. Dans le rapport du CNNum, nous défendons la même idée, en développant le contenu de cet enseignement et les moyens de le mettre en place. Pourquoi enseigner la pensée informatique ? Pour mieux comprendre le monde numérique qui nous entoure et être un citoyen actif dans la société du XXIe siècle. L’informatique est aussi une opportunité pour introduire de nouveaux modes d’apprentissage à travers des expériences, en mode projet, par essai-erreur. En primaire, nous proposons l’apprentissage des rudiments de la pensée informatique en mode connecté ou pas. Cet enseignement permettrait aussi d’assoir les autres acquis traditionnels, et s’appuierait sur les professeurs des écoles et sur le temps périscolaire. Au collège, nous proposons d’introduire dans une première phase une année centrée autour de l’apprentissage de la programmation, sur le temps alloué à la technologie. Enfin, nous proposons d’enseigner l’informatique à tous les élèves de toutes les filières du lycée, en commençant par généraliser rapidement l’option ISN (Informatique et Sciences du Numérique) à tous les lycées et toutes les filières.
Le numérique est-il la solution « miracle » pour améliorer les résultats du système scolaire français ?
Le fruit de notre rapport est issu de rencontres avec plus d’une centaine d’acteurs. Un premier constat est que la promesse de l’égalité n’est plus tenue. Cela se traduit par un décrochage scolaire trop important, l’absentéisme, un certain ennui dans les classes, et des inégalités croissantes mesurées par les tests PISA. Dans notre rapport, nous avons voulu répondre à cette problématique du décrochage scolaire et rendre à l’école cette promesse d’égalité. Notre proposition repose sur deux axes principaux : des enseignements numériques et un tissu éducatif élargi aux collectivités locales, aux entrepreneurs de l’e-éducation, aux associations éducatives, à l’écosystème. L’école ne peut assurer cette transition seule, elle doit s’ouvrir et faire face à de nouveaux acteurs du monde digital qui développent des modèles alternatifs. Le numérique est une opportunité, nous pouvons bâtir une école plus juste et créative. En France, nous disposons d’une école formidable, mais il faut l’adapter au 21e siècle !
Pourquoi demandez-vous la création d’un CAPES et d’une agrégation d’informatique, une demande déjà formulée par la SIF ? Ne vaudrait-il pas mieux former tous les enseignants en ESPE ?
Le rôle des enseignants est majeur dans la transformation numérique de l’école. Ce sont eux qui vont faire changer l’école. L’école Jules Ferry 3.0 leur ouvre de nouveaux horizons. Notre rapport leur permet d’avancer. Nous avons réfléchi d’une part aux enseignements du numérique, et proposons d’autre part d’ouvrir l’école pour aider les enseignants à construire cette école numérique et expérimenter régulièrement des innovations (nouveaux modes d’apprentissage, nouvelles technologies, etc…) avec l’Ed-tech française (start-ups, entreprises, laboratoires de recherche dynamiques dans ce domaine). En ce qui concerne l’enseignement de l’informatique, l’un des piliers des enseignements du numérique, il s’agit bien de pensée informatique. La condition est donc la formation d’un corps d’enseignants en informatique par la création d’un Capes et d’une Agrégation d’informatique.
Le « numérique » et « l’informatique », bouées de secours du constructivisme et du socio-constructivisme… Merci à tous ces experts qui proposent de réformer l’école sans avoir jamais enseigné !Signaler un abus
Oui ces pseudos experts continuent à faire du tort : ludique, numérique, classe sans notes, moins de fondamentaux, surcharge de missions données à l’école… Et personne ne les arrête ou ne veut les arrêter !Signaler un abus
Libre à vous les fantaisies mais ne les imposez pas aux autres !Signaler un abus
Le numérique est un argument avancé pour siphonner les horaires des disciplines classiques. Travailler le « numérique » se fait déjà dans ces disciplines.
Il ne faut pas confondre le fond et la forme : ras-le-bol de faire des diaporamas, et autres clics clics au fil de l’info mais oui pour utiliser des logiciels dédiés apportant une réelle valeur ajoutée au travail (du plus simple Tableur au plus complexe.scilab…) et une réelle analyse des données.
Pour les humanités, une discipline qui fait du lobbying, toujours la même.Signaler un abus
« L’informatique est aussi une opportunité pour introduire de nouveaux modes d’apprentissage à travers des expériences, par essai-erreur »
C’est pas vraiment ce que j’avais appris quand j’étais étudiant.
Mais plutôt qu’on était censé « réfléchir avant d’agir » et d’une certaine façon (se) prouver que sa solution est correcte, pour tous les cas envisageables, avant de tenter de la mettre en œuvre et non se jeter tête baissée dans le bidouillage de lignes de code.
L’évolution des méthodes est étonnante.Signaler un abus
J’ai l’impression de lire un patchwork d’éléments de langage au service des Gafam (Google, Amazon, Apple, Facebook, Microsoft) dans la même logique que les trophées des technologies éducatives 2014 du salon Educatec/Educatice, sponsorisées par Microsoft, présidées par Gilles Babinet, ancien président du Conseil national du numérique, et animées par Gilbert Azoulay, également ancien président du Conseil national du numérique.
http://www.educatec-educatice.com/Les+Troph%C3%A9es+des%3Cbr%3ETechnologies+Educatives_3089.html
Il est donc normal que l’on retrouve ici les mêmes éléments de langage dans les propos de Christine Balagué, Vice-présidente du conseil national du numérique.
Pour autant, existent des contradictions au sein du Conseil national du numérique qui m’amènent à soutenir certaines propositions, par exemple l’enseignement de l’informatique au collège et au lycée, légitimé par la nécessité de permettre à tous les élèves d’acquérir des savoirs fondamentaux :
« L’Ecole de la République a la mission de permettre à tous les élèves d’acquérir les savoirs fondamentaux. Elle le fait dans un univers de
connaissances en transformation rapide, alors que la société elle-même est en mutation sous l’effet des technologies de réseau. »
http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2014/10/CNNum_Dossier-de-presse_Education.pdf
En revanche le substantif « numérique » ne veut rien dire ! « Plus on diminue le nombre de mots d’une langue et plus on fusionne les mots entre eux, plus on diminue le nombre de concepts avec lesquels les gens peuvent réfléchir en éliminant les finesses du langage, plus on rend les gens incapables de réfléchir ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Novlangue
Sans la libre circulation et le libre partage des savoirs l’école serait réduite à des compétences d’usage. La transmission des savoirs passe par des supports, des documents, un traitement des données. Les technologies utilisées, les statuts juridiques sont au coeur des enjeux.
Librement,
CharlieSignaler un abus
Bonjour Monsieur Nestel Je suis un de vos anciens élève collège rocher du Dragon , aujourd’hui je suis étudiant à l’université paris dauphine et je me penche sur différentes questions gravitant autour des concepts de neutralité du net , open data, open source …
J’aimerai solliciter votre avis plus qu’éclairé sur ces sujets.
voici mon email : nawfelben@gmail.com si vous acceptez d’entamer une correspondance.
Bien à vous
Nawfel Benkadda
PS: Vous êtes un professeur formidable et vous avez marqué ma scolarité , je vous remercie chaleureusement pour vos cours fascinants de technologie !Signaler un abus