Dans votre livre autobiographique , « La Revanche des nuls en orthographe », vous dites que vos instituteurs n’ont pas utilisé la bonne méthode d’apprentissage de la lecture. Que leur reprochez-vous ?
Je suis en colère car ce que je leur reproche est toujours d’actualité : leur formation de base est mauvaise, ils sont formés uniquement à enseigner aux bons élèves. La plupart des professeurs des écoles ne savent pas comment leurs élèves mémorisent les connaissances. C’est grave ! Cette méconnaissance peut planter un enfant pour la vie. C’est ce qui me serait arrivé, si je n’avais pas eu cette prise de conscience que le problème ne venait pas de moi. Environ 40% des enfants sont touchés par la dysorthographie, un trouble durable de l’apprentissage de la lecture et l’orthographe. Et l’on n’a rien d’autre à leur proposer qu’une méthode uniformisée. Dans une classe, certains ont une mémoire auditive, d’autres une mémoire visuelle et d’autres encore davantage kinesthésique. Certains auront un peu des trois, mais ce n’est pas la majorité. Il faut s’adapter au fonctionnement intellectuel de chacun, sinon tout effort sera vain. Et c’est pour cette raison que je suis opposée au collège unique et à l’idée que l’on donne le même enseignement à tous. Dans les pays d’Europe du Nord ou au Québec, c’est très différent, chaque instituteur est spécialisé. En France, on mise sur une pédagogie standardisée. Résultat, près de la moitié des élèves ne savent pas bien lire à l’entrée en 6e et il y a fort à parier que nous continuerons de reculer, au mieux de stagner, dans les études Pisa.
En quoi consiste votre méthode d’apprentissage, dont vous dites qu’elle permet de réconcilier les enfants avec la grammaire et l’orthographe ?
J’ai transformé la grammaire en un conte de fée, avec des princes en mouvement et deux rois : « Être » et « Avoir ». Le premier est sympathique, facile à vivre, tandis que le second se montre retors. Dès lors que l’on a compris comment fonctionnent ces rois, on saura accorder tous les autres verbes. J’entends, je vois, je fais : tel est le principe de la grammaire que je propose et elle fait des petits miracles. Impossible de ne pas comprendre. C’est fait pour tous ceux qui ne comprennent rien aux COD et aux COI. Dans la grammaire que je propose, il n’y a pas de termes grammaticaux. C’est un outil de remédiation que tous les enseignants devraient consulter.
Un récent rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale pointe du doigt un manque de compétences des enseignants pour apprendre la lecture aux élèves. L’école est-elle aujourd’hui suffisamment à l’écoute des enfants « dys » ?
Non et ça fait des années que cela dure ! On nous rebat les oreilles avec la question des rythmes scolaires alors que c’est un faux problème. En revanche, il est fondamental de repenser la formation de base des enseignants du premier degré. Or rien ne bouge, il y a toujours le même lobby des maisons d’édition et ce sont toujours les mêmes personnes qui interviennent au sein des ESPE . Ce qui me met le plus en rogne, c’est qu’on continue de faire culpabiliser les enfants qui font des fautes d’orthographe.
Quels conseils donneriez-vous aux enseignants ? Que peuvent-ils faire face à des enfants diagnostiqués dyslexiques ou dysorthographiques ?
Formez-vous aux publics en difficulté ! En France, dès qu’il y a un problème, on agite la solution médicale. Il est normal, s’il y a suspicion de troubles de l’apprentissage, d’orienter vers un orthophoniste qui fera un bilan. Mais pour ne pas risquer de confondre un dyslexique avec un dysorthographique, mieux vaut encore se demander pourquoi il y a eu un raté dans l’apprentissage et agir en amont.
Comment distinguer un trouble spécifique et un manque de travail ? Beaucoup d’élèves écrivent en langage « texto » et tous ne sont pourtant pas dysorthographiques ?
Les troubles de l’écriture ne sont jamais liés à un manque de travail. Je ne connais pas un enfant qui n’a pas envie d’apprendre à lire et à écrire. Quant au langage texto, il ne faut pas tout confondre : la plupart des élèves n’écrivent pas phonétiquement dans une copie. Ils savent faire la différence de niveau de langage.
Si Anne-Marie Gaignard avait appris à lire avec écrilu (voir le site « ecrilu ») elle n’aurait pas été diagnostiquée dyslexique !
En consultant sur le site de Meirieu : http://www.meirieu.com/ECHANGES/echangesdepratiques.htm
on peut se rendre compte de l’utilité de commencer par coder pour éviter la dyslexie d’apprentissage et respecter l’orthographe !Signaler un abus
Je partage votre point de vue mais il manque un élément essentiel : pour enseigner l’orthographe il faudrait d’abord que les enseignants de tous les niveaux soient capables de comprendre les phénomènes qui expliquent certaines particularités donc pour moi on ne peut enseigner l’orthographe que si on a suivi des cours de grammaire et philologie et si on a des connaissances même légères en latin et en grec car on peut expliquer aux enfants certaines « bizarreries » et ils les comprennent très bien et cela ne devient plus une science obscure.
Je l’ai fait pendant toute ma carrière et je peux le dire en toute modestie avec une grande réussite et je le fais aujourd’hui encore avec mes petits-enfants qui prennent cela comme un jeu.Signaler un abus
Le constat d’où part cette dame est réel mais dans sa vindicte, elle invente des ennemis imaginaires et pense détenir LA solution.
Les enseignants de l’Éducation Nationale de France ne sont pas formés à UNE méthode qui serait mauvaise et il n’y a pas de lobby des éditeurs en faveur d’UNE méthode (laquelle d’ailleurs?) La vérité est qu’ils sont peu ou pas formés du tout à enseigner l’orthographe et qu’ils gèrent ce problème sans méthode.
Beaucoup de maîtres ne maîtrisent pas eux-mêmes l’orthographe, tous ne sont pas passés par l’IUFM. Avant sa suppression, l’IUFM dispensait 2 ans de formation dans le meilleur des cas, dont une seule effective, la première étant consacrée à la préparation du concours. C’est un temps très insuffisant pour rendre polyvalents des licenciés spécialisés dans une seule discipline et majoritairement négligents à l’égard de l’orthographe. Faut-il regretter que l’exigence de la société en matière d’orthographe ne soit plus aussi forte que du temps où on recalait les candidats au Certificat d’Études qui faisaient 5 fautes dans leur dictée ? Le choix n’appartient pas à la seule Éducation Nationale.
Quelle que soit la méthode, l’orthographe s’acquiert par la patience et la vigilance. Cela ne se trouve pas dans UN manuel ou UNE seule méthode.Signaler un abus
Faire des suggestions didactiques, c’est bien. Encore faudrait-il qu’elles reposent sur des bases avérées. D’où sort ce chiffre de 40% de dysorthographiques ? Et ces 50% d’élèves qui ne savent pas lire ? Et que dire de la distinction entre mémoire auditive et mémoire visuelle, obsolète depuis des décennies ? Comme promotion d’une méthode miracle, on a déjà vu mieux.Signaler un abus
Question simples: Est ce que les professeurs sont éduqués à éduquer?
Est ce que les professeurs ont un volet sur la pédagogie dans leur formation?Signaler un abus
J’enseigne en collège. Je crois aussi que le problème c’est qu’on… n’enseigne pas l’orthographe. On se contente le plus souvent de la contrôler avec les dictées. Il y a une autre méthode, que je trouve très efficace avec les ados (les princes et les fées, ce n’est plus pour eux) : « L’orthographe sans se casser la tête » de ecole-vivante.com. Je l’utilise en classe. Je crois que, de toute façon, dès qu’on sort du purement scolaire et magistral il y a déjà un progrès.Signaler un abus
Chacun défend son petit pré ! ce n’est pas la seule orthographe qui est mal enseignée, c’est tout… L’Education nationale s’est donnée pour tâche de formater les enfants dès leurs 3 ans, ceux qui ne s’adaptent pas se voient exclus par un système de notations intensif au collège (pourquoi le Collège n’est-il jamais réformé au fait ???) . Ce n’est pas l’enseignement des disciplines ou les horaires qu’il faut changer, ce sont les PRATIQUES des enseignants. C’est la façon de considérer les enfants/élèves qui doit être repensée, C’est la place que nous voulons collectivement (au niveau de la société) donner à l’école qui doit être pensée collectivement. REFONDER l’école ne passe pas par des réformettes patchwork qui coûtent très cher et qui finissent de mettre le bazar dans l’école et ne résout pas les problèmes d’apprentissage des élèves. L’école mérite un grand débat de société sur plusieurs années M. le Ministre.Signaler un abus
Dans la première réponse de l’auteur, elle prétend que les professeurs ne connaissent pas le fonctionnement de la mémoire, et poursuit en prétendant qu’un enseignement uniformisé ne peut fonctionner, certains élèves étant supposés êtres auditifs, visuels, etc.
Manque de chance, les scientifiques ont depuis long temps réfuté cette idée reçue, ce qui fait tout le raisonnement élaboré dans la première réponse est invalide. On peut notamment lire à ce sujet les livres et articles de vulgarisation écrits par Alain Lieury, un spécialiste français de la mémoire, qui s’est fortement impliqué dans l’étude des pratiques éducatives.
Quand à ce qui est l’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire, les solutions de l’auteur ne me semblent pas pertinentes. Elles partent du principe qu’apprendre l’orthographe et la grammaire passe par une compréhension des règles grammaticales et orthographiques. En somme, l’élève doit comprendre et acquérir un savoir verbalisable.
Or, appliquer les règles d’orthographe lors de la rédaction d’un texte repose avant tout sur la mémoire implicite, la mémoire des automatismes moteurs, perceptifs, et cognitifs. Lorsqu’on écrit, l’esprit ne fait pas référence à la mémoire explicite, celle des savoirs, mais accède directement à la mémoire des automatismes. Et le transfert entre ces deux mémoire ne se fait pas tout seul.
Par exemple, des expériences sur la gestion du pluriel l’ont montré : les enfants sont parfaitement capables de détecter des erreurs (un S là où il ne devrait pas y en avoir, ou inversement) avec un taux de réussite de 95%, alors qu’environ 30% des mots orthographiés dans un texte qu’ils ont écrit comportent une erreur d’utilisation du pluriel. Ils connaissent la règle explicitement, et peuvent l’utiliser pur reconnaitre les erreurs qui leur sont présentée, mais son utilisation n’est pas bien automatisée.
L’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire doit automatiser l’application des règles le plus possible, et doit faire en sorte de transférer les règles dans la mémoire procédurale. Pour cela, il faut prendre en compte divers paramètres : l’implication de la mémoire à court terme dans cet apprentissage, la répétition mène à l’automatisation, et le retour sur performance de la part de l’enseignant. Le retour sur performance permet de corriger les erreurs, afin d ‘éviter qu’elles s’installent. Quand à la gestion de la mémoire à court terme, je recommande la lecture de mon article, sur wikibooks : http://fr.wikibooks.org/wiki/Psychologie_cognitive_pour_l%27enseignant/M%C3%A9moire_%C3%A0_court_terme .
En somme, comme l’auteur, je pense que les enseignants devraient mieux connaitre la mémoire, et notamment les travaux sur la mémoire,à court terme, ainsi que les travaux d’Alain Lieury.Signaler un abus