Pourquoi avoir mis en place ce dispositif « Pass’ Santé Contraception » ?
Avec cette mesure, nous souhaitons participer à l’autonomie des jeunes filles et garçons. Or la maîtrise de la fécondité est un élément essentiel de cette autonomie. Au lycée, chaque jeune se construit et commence une vie sexuelle active, c’est pourquoi il était important d’accompagner les jeunes.
Ensuite, nous avons constaté que la question de l’égalité entre les filles et les garçons, loin d’être derrière nous, est toujours d’actualité. Passer de la mixité à une vraie culture de l’égalité nécessite encore beaucoup de travail, de discussions et de nouvelles possibilités. Dans ce cadre, la question de la liberté et de la responsabilité des relations sexuelles est extrêmement importante. Des lois existent, notamment pour le droit à la contraception et à l’IVG (1) pour les jeunes mineures, qui ne sont pas complètement appliquées faute de moyens. C’est pourquoi la Région a décidé de prendre une responsabilité, à travers un partenariat étroit avec l’Éducation nationale.
Comment avez-vous travaillé avec le ministère de l’Éducation Nationale , et comment expliquez-vous ce revirement de Luc Chatel qui s’était opposé en 2009 à cette idée avancée en Poitou-Charentes ?
Nous avons travaillé depuis le départ en co-responsabilité et concertation avec l’Éducation Nationale. Nous avons rencontré les recteurs et nous avons réalisé des présentations aux infirmières et aux équipes éducatives. De la même manière, Laure Lechatellier (2) a rencontré l’ordre des médecins, des pharmaciens afin que le milieu professionnel soit aussi intégré à ce dispositif. Pour que le Pass Contraception arrive aux mains des jeunes, dans les lycées, l’Éducation Nationale devait être partie prenante.
La différence avec le projet du Poitou Charentes tient notamment au fait que le Pass s’adresse aux filles et aux garçons. Si la contraception c’est d’abord les filles, nous avons investi ce Pass d’une vraie dimension éducative. Les garçons ont des questions dans le démarrage de leur vie sexuelle active. C’est important qu’ils puissent rencontrer, hors de la vue de leurs parents, un professionnel de santé. Ils ont aussi la possibilité d’avoir un stock de préservatifs. Nous n’avons pas voulu les exclure avec cette idée de responsabilité. Autre différence : nous mettons à disposition des filles toute la palette des contraceptifs disponibles en étant remboursés. Ce n’est pas une distribution de pilules ! Cela passe par un médecin, des analyses si nécessaire, avec le souci d’une adaptation de la contraception à leurs besoins. Un véritable accompagnement.
En quoi le « Pass’ Contraception » joue-t-il un rôle éducatif ?
Nous avons mis en place le dispositif « Jeunes pour l’égalité », afin de sensibiliser les équipes éducatives aux questions d’égalité avec des experts, des professionnels. Ce travail ira jusqu’à un travail d’expression de ces jeunes contre le sexisme. A travers de l’art plastique, du théâtre-forum, des ateliers d’écriture, ateliers radio… Nous sommes sur un dispositif complet, avec un contenu éducatif fort.
La contraception nécessite une démarche éducative, car elle nécessite une véritable compréhension. Le Pass’ Contraception répond au fait qu’il y ait un nombre important d’IVG (13.000 chez les moins de 18 ans (3)). Cependant, aujourd’hui de moins en moins de grossesses non désirées arrivent à terme, ce qui est un progrès. L’ IVG est un droit très important car tout le monde peut se tromper. 40% des femmes y ont recours dans leur vie, cela ne concerne pas uniquement les jeunes filles. Il y a également des rapports sexuels non désirés et violents. Les raisons pour lesquelles les jeunes ont recours à l’IVG sont multiples et ce n’est pas parce que ce sont des « bécasses » ! C’est important de ne pas stigmatiser. Nous donnons plus de liberté aux jeunes, plus de responsabilité et plus de moyens d’accéder à leur autonomie.
Faudrait-il aller plus loin au sein des établissements (4), l’éducation sexuelle devrait-elle être intégrée complètement à l’école ?
Normalement les cours d’éducation sexuelle sont obligatoires de la maternelle à la fin du lycée, ce devrait être 3 séances chaque année pour les jeunes. Mais l’école mène ce travail de manière inégale, se basant sur de bonnes volontés et les connaissances des enseignants. Si les professeurs de SVT peuvent donner les détails scientifiques, ce n’est pas suffisant. L’éducation à la sexualité doit pouvoir faire la promotion d’une culture du respect et expliquer ce que c’est qu’être deux partenaires, et y faire réfléchir les jeunes.
Avec ce programme, nous répondons aussi aux préoccupations des victimes d’homophobie au sein des établissements. C’est le droit pour chacun à être lui-même avec la sexualité qui lui convient. Il y a une implication qui va au-delà d’un simple Pass’. Aujourd’hui l’école ne fait pas tout ce travail, car ça ne s’invente pas, ça ne se décrète pas. La culture du respect, ce n’est pas juste de le dire. Il faut écouter les jeunes, savoir rétorquer… J’ai parfois vu des enseignants ne pas réagir à des insultes sexistes car ils sont sidérés et ne savent pas répondre. Cette information doit être disponible. C’est un travail de formation, et aujourd’hui la formation des enseignants est gravement menacée. L’enseignement se fait en classe, mais l’éducation se fait partout. Il est temps qu’il y ait une prise en compte plus collective.
Tous les jeunes ont accès à des sites pornographiques, à des publicités scandaleuses… Cela nécessite que de l’école au lycée, il y ait une véritable éducation sexuelle, mais aussi non-sexiste. Je crois que le rôle de l’éducation est justement de construire des rapports entre les êtres humains d’une autre qualité. Entre filles et garçons, femmes et hommes.
Propos recueillis par Élise Pierre
Une fois de plus je suis sidérée de voir à quel point le rôle des infirmières scolaires est ignoré. Pour ma part et l’ensemble des collègues de mon académie, nous organisons, animons ou co-animons des interventions en éducation à la sexualité. Moi-même, dans mon collège tous les élèves de 4ème et de 3ème ont eu 3h d’interventions en éducation à la sexualité. Le décret professionnel régissant notre profession nous reconnaît cette compétence. Pour moi-même et certaines de mes collègues, j’ai été formée pour intervenir en éducation à la sexualité conformément au référentiel.
Ce n’est pas parce qu’on est médecin, pharmacien ou autre que l’on formé pour intervenir dans les classes. Les interventions doivent correspondre et être en lien et s’ancrer aux programmes d’enseignement, pour que ces interventions aient du sens. Mais puisque les autres savent mieux faire que nous allez-y, ne vous gênez pas, mettez les infirmières scolaires dehors mais assumez en plus des interventions le suivi et l’écoute que nous dispensons tous les jours et en particulier après nos interventions dans les classes.Signaler un abus
Les premiers responsables de l’éducation sexuelle des enfants sont les parents, pas l’éducation nationale. L’école est un organisme subsidiaire à qui les parents délèguent l’éducation de leurs enfants. C’est une ingérance inadmissible de l’éducation nationale dans la vie familiale de mettre en place un tel dispositif sans aucune concertation avec les parents d’élèves. La Région a consulté à peu près tout le monde, sauf les parents.
On est en plein totalitarisme étatique.Signaler un abus